Kenya : une grave famine due uniquement à une sécheresse exceptionnelle ?

, par  J.G.
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« Aujourd’hui, vous avez sans doute offert une rose à votre Valentine ou reçu la reine des fleurs de la part de moitié. Une journée bien plus rouge que verte pour l’environnement. Car, c’est fort dommage pour la fête des amoureux, mais les roses ne fleurissent pas en hiver. Les millions de boutons offerts à travers l’Europe proviennent ainsi à 70% du Kenya. Là-bas, ces fleurs ont du soleil mais elles nécessitent aussi beaucoup d’eau, la plus rare et précieuse des ressources de ce pays africain. Conséquence de l’emballement commercial occidental : les besoins en eau pour la floriculture saignent un pays à sec.

Selon le biologiste David Harper, de l’université anglaise de Leicester, les ventes massives de fleurs, sans se préoccuper de leur origine et de la façon dont elles sont cultivées, assèchent tout particulièrement le lac Naivasha. C’est en effet sur ses bords que se sont installées les trois quarts des exploitations de roses kenyanes, d’immenses fermes industrielles qui pompent sans la moindre restriction les réserves du lac.

L’usage massif de pesticides et autres engrais par les cultivateurs empoisonne par ailleurs son eau et par conséquent la faune, la flore ainsi que les habitants. "Si les choses continuent de la sorte, si aucune régulation n’est mise en place, dans moins de dix ans, le lac ne sera plus qu’un étang boueux malodorant, avec des communautés humaines appauvries vivant difficilement sur ses rives dénudées. Au fur et à mesure que sa surface et sa profondeur se réduiront, il se réchauffera, entraînant la prolifération de micro-algues. Ce n’est plus qu’une question de temps pour que ce lac devienne toxique", déplore le biologiste, qui mène depuis trente ans des études sur l’hydrologie de la région.

Ces roses, une fois coupées au Kenya, sont toutes acheminées vers la bourse aux fleurs d’Amsterdam, où elles sont achetées par de grandes enseignes qui leur apposent la mention "Origine : Pays-Bas". Elles sont ensuite réexpédiées par avion aux quatre coins du monde pour se retrouver sur les étals français, anglais, allemands, américains ou russes, après avoir parcouru des milliers de kilomètres et pollué d’autant l’atmosphère.

Certains producteurs responsables se sont toutefois réunis sous la bannière du commerce équitable et traitent directement avec les acheteurs européens. "Ils ne représentent que 10% des producteurs et leurs pratiques ne concernent en rien l’environnement", regrette David Harper. A défaut de mieux, ce commerce permet au moins de s’assurer que les ouvriers touchent davantage qu’un ou deux dollars par jour et voient leurs conditions de travail améliorées. Et pour une Saint Valentin plus verte, on peut aussi opter pour d’autres preuves d’amour. »
Audrey Garric

Article d’Audrey Garric, Nos roses de la Saint-Valentin assèchent un lac au Kenya, publié par lemonde.fr le 14/02/11.


« En plein coeur du Kenya, des hommes en anorak, la tête couverte d’une grosse capuche, empilent des cartons. Le soleil est pile à la verticale. Il fait plus de 30 degrés sous l’équateur. Mais, dans la chambre froide où ils emballent minutieusement des milliers de roses, le thermomètre ne dépasse pas les 2 degrés. Dans quelques heures, les Lucas rouge vermillon et les Golden Amazon jaunes seront empilées sur des palettes à l’aéroport international de la capitale, Nairobi. Dernière étape avant les grossistes et les supermarchés d’Amsterdam, de Zurich ou de Paris. C’est ainsi, par exemple, que des bouquets emballés directement sous le label Tesco se retrouveront dans les allées des hypermarchés de ce distributeur britannique 24 heures à peine après la coupe des fleurs au cœur du Kenya.

C’est dans les années 80 qu’a été lancée la production de fleurs destinées à l’exportation. Les conditions climatiques tempérées, exceptionnelles tout au long de l’année, sont particulièrement propices à l’horticulture. “Nous bénéficions du climat, bien sûr, du faible coût de la main-d’oeuvre et de très bonnes liaisons aériennes avec l’Europe”, explique Martin Mulandi, patron du Kenya Flower Council, regroupant une trentaine de producteurs et d’exportateurs. Résultat, en 2001, le Kenya a exporté 41 000 tonnes de fleurs pour une valeur de 130 millions d’euros. Le secteur représente 8 % de la valeur totale des exportations du pays. Les roses sont les reines de l’industrie, avec 80 % des exportations. Les statices, grappes de minuscules fleurs, les alstroemères, en forme de trompette, et les oeillets se partagent le reste du marché.

Conquête. “Jusqu’en 1996, nous avons connu une croissance en valeur de nos exportations de 20 % par an, nous sommes devenus les premiers exportateurs vers l’Union européenne, indique Martin Mulandi. Mais depuis le marché a commencé à saturer.” Après quelques années de crise, marquées notamment par l’enchaînement de maladies des plantes, l’industrie de la fleur coupée kenyane est redevenue conquérante. “Nous avons maintenant un oeil sur les Etats-Unis et l’Océanie, affirme Martin Mulandi. Et nous bénéficions indirectement des crises politiques actuelles chez d’importants concurrents, comme Israël et le Zimbabwe.”

Pour améliorer leurs marges, certains producteurs n’hésitent pas à contourner les intermédiaires traditionnels. “En cinq ans, on a complètement changé notre stratégie”, explique Isabelle Spindler, une agronome française qui dirige Red Lands Roses, une plantation située à Ruiru, une trentaine de kilomètres au nord de Nairobi. Cette filiale d’un holding franco-belge réalise quelque 4 millions d’euros de chiffre d’affaires annuels. “On vend maintenant 92 % de nos roses sans passer par le traditionnel marché aux enchères d’Amsterdam, précise Isabelle Spindler. Il y a deux ans, un tiers de notre production partait encore là-bas.” Des représentants des supermarchés français Leclerc sont venus récemment visiter la ferme. Red Lands Roses projette déjà de s’agrandir. Un hectare et demi supplémentaire de serres va être construit, s’ajoutant aux 12,5 hectares déjà cultivés, pour l’essentiel, en hors sol.

Néanmoins, quelque 80 % des fleurs kenyanes transitent encore par les grossistes d’Amsterdam avant d’être réexportés à travers l’Europe, en général par la route. “L’autre gros inconvénient, c’est qu’en envoyant nos fleurs à Amsterdam on ne sait jamais quels seront les cours, dit Isabelle Spindler. On peut se retrouver à vendre à perte sans le vouloir.”

67 000 salariés. Si les fleurs kenyanes ravissent producteurs et distributeurs, certains organismes attirent l’attention sur les conditions de travail en vigueur dans le secteur, qui emploie 67 000 personnes. Les salaires les plus bas ne dépassent pas 1 dollar par jour. Ils sont toutefois supérieurs à ceux pratiqués dans les exploitations de thé et de café. A l’occasion de la dernière Saint-Valentin, le Conseil kenyan des droits de l’homme a dénoncé une industrie peu soucieuse de ses employés. “Le principal problème, c’est le manque de formation à l’usage de produits chimiques, indique Stephen Ouma Akoth, un des activistes du conseil. Certains employés n’ont aucune idée du danger potentiel des pesticides qu’ils utilisent, surtout dans les exploitations les plus anciennes. Ils se retrouvent avec des problèmes respiratoires ou de vue.” »
Masciarelli Alexis

Article de Masciarelli Alexis, Le Kenya couvre l’Europe de fleurs, publié par liberation.fr le 01/01/03.

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