« Voter contre Sarkozy et Barroso, c’est s’abstenir » André Bellon

, par  J.G.
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Entretien avec André Bellon, philosophe, ancien président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Collaborateur régulier du Monde diplomatique et fondateur du groupe de réflexion République ! [1].

Le canard républicain : M. Bellon, que pensez-vous du slogan « s’abstenir, c’est voter pour Sarkozy et Barroso » qui semble devenir le seul véritable sujet de la campagne des élections européennes ?

André Bellon : Depuis des semaines, divers partis politiques inondent, en effet, les citoyens avec le slogan « s’abstenir, c’est voter Sarkozy ». La chose est apparemment risible au vu des efforts, des moyens de propagande, pour pousser les citoyens à voter qu’ont déployés ce dernier et ses amis européens au premier rang desquels José Manuel Barroso, Président de la commission de Bruxelles.
En fait, les promoteurs de ces appels sont conscients que nombre de citoyens dont ils espéraient les votes veulent, au travers de cette consultation, sanctionner une construction européenne antidémocratique qui les insulte en méprisant leur rejet du traité constitutionnel européen. Il s’agit donc surtout pour eux de remobiliser leurs propres électeurs en détournant le sens du scrutin.
On assiste alors à des scènes pour le moins étranges. Des partisans du retrait de la France hors de l’Union européenne appellent à voter en masse alors qu’une forte participation aurait pour conséquence de légitimer les instances de Bruxelles ; des personnalités habituellement critiques vis-à-vis du « Parlement européen » insistent sur la nécessité de le soutenir. Comprenne qui pourra.
La seule cohérence pour les partisans du Non au référendum du 29 mai 2005 est évidemment de ne pas cautionner cette mascarade, surtout après que le pseudo Parlement de Bruxelles a demandé qu’on passe outre aux votes français, néerlandais et irlandais, et bien qu’il agisse comme si le traité de Lisbonne était déjà en vigueur. Quant à Sarkozy, il poursuit deux objectifs : mettre l’UMP en tête, ce qui paraît assez joué d’avance, et avant tout légitimer les instances de Bruxelles, surtout après le coup de force contre le suffrage universel qu’a représenté l’adoption du traité de Lisbonne. Donc, le vrai slogan face à cette élection est : « Voter contre Sarkozy et Barroso, c’est s’abstenir »

Que pensez-vous du Parlement européen ?

En 1957, il n’y avait qu’une assemblée composée de députés des parlements nationaux sans aucun pouvoir. C’est Giscard d’Estaing qui poussa, en 1979, à le présenter comme un Parlement et à le faire élire au suffrage universel direct. Ainsi, par l’intermédiaire d’une manipulation, on nous peignit cet organisme comme notre émanation démocratique. Dans la réalité, elle nie notre volonté populaire.

Parmi les pères fondateurs de cette Europe, on retrouve un banquier et un noble. Pensez-vous que l’Union européenne soit réformable ?

L’origine des « pères fondateurs » est sans importance. En revanche, ce qui est important, c’est que, dès l’origine, la souveraineté populaire, base de la démocratie, n’a pas été un élément substantiel de la construction européenne, bien au contraire.

Oui, mais ne pas voter aux prochaines élections européennes n’est-il pas contraire à la démocratie ?

Les partisans de cette Europe antidémocratique rabâchent ce thème. Ils oublient ou feignent d’oublier que le droit de vote est un droit, pas un devoir, surtout pas le devoir de voter pour des choses absurdes, en particulier de légitimer un organisme qui opprime et nie notre volonté collective.

Votre livre, Le peuple inattendu [2], écrit avec Anne-Cécile Robert, fait écho en le critiquant au livre de Pierre Rosanvallon, Le peuple introuvable. Que vous inspire son article [3] lorsqu’il le conclut ainsi : « L’Europe ne pourra être chérie par les citoyens que si elle devient également un vivant terrain d’expérience de la démocratie post-électorale » ?

C’est une méthode bien classique que de répondre aux questions qu’on pose soi-même. En l’occurrence, bien sûr, je suis le premier à vouloir mettre en œuvre le contrôle des citoyens après les élections ; encore faudrait-il qu’il y ait un contrôle avant, ce qui ne semble pas intéresser Rosanvallon.

Pensez-vous comme Roland Weyl que la formule « démocratie participative » représente un déficit ? [4]

Une démocratie non participative n’a pas de sens puisque la démocratie, c’est justement le pouvoir au citoyens. Mettre un adjectif est donc évidemment un affaiblissement.

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