Nicole Notat : il y a une vie après le syndicalisme !

, par  Jacques Texier, Tribune libre
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En 1992, Nicole Notat prend la tête de la CFDT dans des circonstances controversées, quelques mois après la démission forcée de Jean Kaspar, le précédent numéro un (1988-1992). Certains militants parleront d’un « putsch ». Elle est partisane d’un syndicalisme « partenaire » à l’allemande - « complaisant, d’accompagnement », en somme une collaboration avec les instances patronales.

Lors d’un congrès de Montpellier de mars 1995, le bureau national qu’elle chapeaute est désavoué par une majorité de congressistes (52 %). Malgré ce désaveu, elle maintient toutefois son cap, approuvant quelques mois plus tard le plan Juppé sur la réforme très controversée de la protection sociale en 1995, qui déclenche alors une mobilisation sociale jamais vue depuis mai 68.

C’en est trop pour un grand nombre de militants qui quittent la CFDT pour rejoindre ou créer des syndicats SUD. Ayant ainsi fait le ménage, Nicole Notat reprend la main et la CFDT devient le partenaire privilégié du MEDEF, signant tous les accords.

Ses successeurs feront de même :

- en 2003, après une manifestation monstre le 13 mai, à laquelle participe la CFDT, François Chérèque signe le surlendemain la proposition gouvernementale sur les retraites ;
- en 2019, le gouvernement institue dans la réforme des retraites le principe d’un âge pivot, dont la suppression permettrait à la CFDT de signer l’accord sur les retraites à points, prémisses des retraites par capitalisation et fonds de pension. Le COVID-19 en a décidé autrement et la réforme est suspendue.

En 2002, après 10 ans à la tête de la CFDT, Nicole Notat crée une société internationale de notation sociale et environnementale Vigeo (devenue Video Eiris), rachetée l’an dernier par Moody’s. Parmi les actionnaires on trouve : AXA, Ag2R, Société Générale et aussi AIR FRANCE, CARREFOUR, LAFARGE, TOTAL, VEOLIA, VINCI, etc.

Il y a lieu de s’interroger sur l’indépendance et l’impartialité de la notation, compte-tenu de la nature des actionnaires. C’est ce qu’indiquait le Canard enchaîné en 2018 citant le témoignage d’un chef d’entreprise.

En 2015, Jacques Maire, fils d’Edmond Maire, lui aussi ex-secrétaire général de la CFDT, est nommé directeur de la stratégie et du développement de Vigeo.

Après avoir exercé la fonction de conseiller diplomatique de Pierre Bérégovoy en 1992, il prend en charge en 2002 le développement international de l’assureur AXA. Puis il rejoint en 2012 le Quai d’Orsay auprès de Laurent Fabius et en 2015 intègre Vigeo auprès de Nicole Notat. Début 2017 il est ambassadeur thématique au ministère des Affaires Étrangères ; député LREM des Hauts-de-Seine, il est à l’été 2019 rapporteur du projet de loi de ratification du CETA, puis fin 2019 co-rapporteur du projet de réforme des retraites. (quoi de mieux pour un ancien haut responsable de AXA ?)

Appelant à voter oui à la Constitution européenne en 2005, Nicole Notat participe en 2007, sous le quinquennat Sarkozy, au comité d’évaluation du Grenelle de l’environnement.

Le 1er janvier 2011, elle prend la suite, pour 2 ans, de Denis Kessler, ex-maoïste et ex-n°2 du Medef, à la présidence d’un « club d’influence », le Siècle. Ce dernier avait affirmé en 2007 vouloir « défaire méthodiquement le programme du Conseil National de la Résistance ». Au Siècle, elle fréquente des personnalités issues de tous horizons (sauf prolétaires !). On y retrouve Pascal Lamy, Nicolas Sarkozy, Martine Aubry, Rachida Dati, Alain Minc, Claude Bébear, Édouard de Rotschild, Dominique Strauss-Kahn, Jacques Attali, François Hollande, Guillaume Pépy, Thierry Breton, et bien d’autres.

Le 21 mars 2018, Édouard Philippe la nomme déléguée gouvernementale à l’Organisation internationale du travail (OIT) pour représenter la France ; le 14 mai, cette nomination est annulée en raison de « risques d’interférences potentiels » avec son activité professionnelle.

Voilà qu’une nouvelle opportunité s’offre à elle. Elle vient d’être désignée par Édouard Philippe pour piloter le « Ségur de la santé ». Est-ce un moyen de s’attacher la bienveillance de certaines organisations syndicales dans les discussions qui s’annoncent ? L’avenir nous le dira.

27 mai 2020

Nicole Notat, Institut aspen, 17 mai 2018

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