"Le Conseil constitutionnel entérine des atteintes graves aux libertés individuelles au nom de la protection de la santé"

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« Une dérive de plus en plus marquée

Après les dispositions législatives prises au détriment des libertés et droits fondamentaux, dans le cadre des institutions bonapartistes de la Cinquième République, pour combattre la délinquance et le terrorisme, en particulier celles introduites par la loi du 30 octobre 2017 sur la sécurité intérieure, la lutte contre l’épidémie de SARS COV 2 sert au Gouvernement à justifier désormais d’autres mesures d’exception.

La loi du 23 mars 2020 instaurant l’état d’urgence sanitaire et modifiant l’article L. 3131-15 du Code de la santé publique donne notamment au Premier ministre, certes “aux seules fins de garantir la santé publique ” et pour une durée d’un mois, le pouvoir réglementaire exorbitant de “restreindre ou interdire la circulation des personnes ou des véhicules […]”, d’ “interdire aux personnes de sortir de leur domicile […]”, d’ “ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement […]” ou encore de “limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique […]”.

Ces mesures peuvent être prolongées par le Parlement, dont chacun mesure néanmoins la servilité de la majorité à l’Assemblée nationale envers le pouvoir exécutif, depuis 1958. Pour maintenir en partie ce dispositif de contraintes, la loi du 31 mai 2021 a instauré le régime étrange de “la gestion de la sortie de crise sanitaire ”, une forme atténuée d’état d’urgence sanitaire. Après vingt-trois mois d’état d’urgence antiterroriste, les citoyens ont subi à nouveau quatorze mois d’état d’urgence sanitaire et près de trois mois de sortie progressive de cette situation d’exception. Ce n’est pas fini.

De nouvelles restrictions validées par le Conseil constitutionnel

Institution politique par sa composition et le mode de nomination de ses membres, autorité de censure, a priori comme a posteriori, des décisions des représentants de la Nation, parfois réel contrepoids aux égarements du pouvoir exécutif, incontrôlé par une majorité parlementaire aux ordres, comme il l’a récemment montré à propos de la loi sur la sécurité globale, le Conseil constitutionnel vient de donner son imprimatur aux nouvelles restrictions des libertés que subira dès le 9 août une grande partie de la population, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire adoptée par le Parlement, après accord de la commission mixte paritaire du 25 juillet précédent.

En premier lieu, le Conseil constitutionnel n’a rien trouvé à redire aux conditions d’examen et de vote de la loi menés à la vitesse de l’éclair. Même dans sa version accélérée, désormais habituellement mise en œuvre, jamais la procédure législative n’avait subi une telle dénaturation ni le Parlement un tel écrasement. En dépit de ces circonstances, des amendements ont permis de corriger un texte initial écrit sous la seule dictée de l’esprit de répression : en particulier, la sanction pénale encourue par les restaurateurs ou les professionnels pour défaut de contrôle du passe sanitaire (un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende) a été heureusement écartée.

En deuxième lieu, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l’essentiel des mesures introduites par la loi du 5 août 2021 qui divise le peuple français en fonction de sa situation au regard de la vaccination : prorogation de l’état d’urgence sanitaire dans les départements de la Réunion et de la Martinique ; extension, à compter du 9 août 2021, de l’obligation de présenter un passe sanitaire justifiant soit d’une vaccination complète, soit d’un test de dépistage négatif, soit d’un certificat justifiant d’une immunité acquise à la suite d’une infection des personnes souhaitant accéder aux cafés (y compris les terrasses), restaurants (sauf ceux accueillant des routiers), lieux culturels, hôpitaux et autres établissements sociaux et médico-sociaux à l’exception des malades admis aux urgences ou allant en consultation, grands magasins et centres commerciaux sur décisions des préfets, moyens de transport sur longue distance ; obligation, sous peine de suspension du contrat de travail et de la rémunération pendant deux mois, de détenir le même document pour les personnels de droit privé de ces établissements, à compter du 30 août ; même contrainte pour les mineurs de douze à dix-sept ans ; obligation d’être engagé dans un processus vaccinal dès le 15 septembre 2021 pour les agents publics hospitaliers ou de secours (sapeurs-pompiers, ambulanciers et autres).

Pour motiver sa décision, le Conseil constitutionnel a considéré, pour l’essentiel, que les atteintes introduites par la loi du 5 août 2021 aux libertés garanties par la Constitution, notamment celles d’aller et venir ou d’exprimer une opinion, ne seraient pas disproportionnées au regard de l’objectif constitutionnel de protection de la santé énoncé au point 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, repris en tête de celle du 4 octobre 1958. Toutefois, exprimé à juste titre par le constituant de 1946, ce but repose sur l’obligation pour les gouvernants de déployer les moyens nécessaires d’assurer cette protection et non sur une entorse aux libertés et droits fondamentaux, même pour une durée limitée, dont rien ne nous garantit d’ailleurs qu’elle ne sera pas allongée.

Deux censures et une réserve d’interprétation

Le Conseil constitutionnel s’est borné à censurer deux dispositions de la loi adoptée définitivement par les deux assemblées et à formuler une réserve d’interprétation. D’une part, en raison de la rupture du principe d’égalité avec la situation réservée aux titulaires d’un contrat à durée indéterminée (CDI), il a déclaré contraire à la Constitution la disposition qui tendait à permettre aux employeurs, de façon unilatérale, de mettre fin avant terme au contrat de travail à durée déterminée.

Si cette position du Conseil sur ce point paraît évidente, pour autant demeure sans réponse juridique claire le sort des titulaires de CDI après la période de suspension de deux mois du contrat. En tout état de cause, l’interruption de la rémunération pour défaut de passe sanitaire constitue une mesure inacceptable. D’autre part, au regard de la liberté d’aller et de venir et du respect de la vie privée, il a également déclaré contraire à la Constitution, en raison de son caractère disproportionné et de l’absence de décision administrative ou judiciaire préalable prise après évaluation de la situation, l’isolement forcé pendant dix jours des personnes infectées, assorti d’un contrôle policier et d’une sanction pénale.

C’est heureux même si l’article L. 3131-15 du Code de la santé publique permet toujours au Premier ministre dans le cadre d’un état d’urgence sanitaire d’ “Ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, au sens de l’article 1er du règlement sanitaire international de 2005 […]”

Enfin, il s’agit là aussi d’un truisme, le Conseil subordonne le contrôle du passe sanitaire par les responsables ou leurs commis des établissements où il sera exigé d’une réserve d’interprétation, déjà formulée dans le passé : cette vérification “ne saurait s’opérer qu’en se fondant sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes.

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Compte tenu des atteintes majeures à des libertés et droits fondamentaux, en l’absence d’un complet déploiement des moyens d’assurer l’objectif de protection de la santé de la population, comme pour d’autres textes récemment entrés en vigueur, la Fédération nationale de la Libre Pensée demande l’abrogation de la loi du 5 août 2021, préparée et adoptée dans la précipitation.

Paris, le 9 août 2021 »

Source : fnlp.fr