Le banquier Michel Pébereau, promoteur de la gouvernance mondiale - commentaires Michel Pébereau, promoteur de la gouvernance mondiale 2010-03-24T17:23:43Z https://www.xn--lecanardrpublicain-jwb.net/spip.php?article313#comment39 2010-03-24T17:23:43Z <p>NouvelObs, jeudi 16 octobre 2008 :</p> <p>Il est au sommet de sa puissance.</p> <p>Michel Pébereau, le banquier qui profite de la crise.</p> <p>Le tandem qui pilote BNP Paribas est sorti renforcé du krach. A Michel Pébereau, le rôle de patron le plus influent de France ; à Baudouin Prot, celui de pilote de la banque.</p> <p>C'est une photo étonnante publiée dans « Paris Match ». Il est 2h40 du matin, ce mardi 30 septembre 2008, dans le bureau de Christine Lagarde. Autour du ministre, qui a les traits tirés par la fatigue, sont réunis les plus hauts fonctionnaires de Bercy, ainsi que François Pérol, le tout- puissant secrétaire général adjoint de l'Elysée, et Antoine Gosset-Grainville, de Matignon.</p> <p>Cette cellule de crise tente de sauver Dexia, la banque des collectivités locales franco-belge au bord de la faillite. Ils sont tous silencieux, inquiets et semblent écouter un homme assis que l'on voit de dos : Michel Pébereau, le président de BNP Paribas. A 66 ans, cet homme est peu connu du grand public et, pourtant, la crise l'a propulsé au sommet de sa puissance. Considéré comme le financier le plus ancien et le plus chevronné, il jouit de la légitimité de celui qui a conduit avec succès sa banque. BNP Paribas, sortie presque indemne du krach, est devenue la première de la zone euro après le rachat de Fortis (voir encadré). Il est aujourd'hui le patron le plus influent de France.</p> <p>Et si, à Bercy, on assure que « nous parlons quotidiennement avec tous les banquiers français », il n'empêche que, cette nuit- là, le ministre ne consultait ni Charles Milhaud, des Caisses d'Epargne, ni Philippe Dupont, des Banques populaires, ni Georges Pauget, du Crédit agricole. Quant à Daniel Bouton, écarté de la Société générale après l'affaire Kerviel et remplacé par le jeune Frédéric Oudéa, il n'est plus écouté. Depuis le début de la crise, Michel Pébereau, lui, est en contact quotidien, à raison de plusieurs coups de fil par jour, avec Bercy, Matignon et l'Elysée. A l'origine, Pébereau, formé à la Direction du Trésor, n'est pourtant pas le financier favori de Nicolas Sarkozy. Il lui préfère de loin le patron d'Axa, Henri de Castries, plus jeune, le bouillonnant essayiste et homme d'affaires Alain Minc, ou l'iconoclaste banquier d'affaires Philippe Villin, ancien patron du « Figaro », devenu le conseiller des plus grands patrons français. « Nicolas Sarkozy n'aime pas le ton professoral de Michel Pébereau, note un proche du président. C'est tout ce qu'il déteste dans l'élitisme à la française. Mais il reconnaît son intelligence et la pertinence de ses jugements. » Alors il l'appelle régulièrement.</p> <p>Et c'est ainsi que Michel Pébereau est redevenu presque le ministre bis de l'Economie qu'il était au temps où son ami Thierry Breton occupait Bercy. A l'époque, l'hyperprésence du superbanquier agaçait nombre de ses concurrents, qui lui reprochaient d'en profiter pour rafler des opérations pour BNP Paribas. L'élection de Nicolas Sarkozy ne l'a pas éloigné longtemps du pouvoir. En période de crise, on ne peut pas se passer d'un Michel Pébereau, car il est le seul capable de maîtriser aussi bien les questions macroéconomiques que microéconomiques.</p> <p>Sans complexes, le banquier met son pouvoir au service de ses idées : réduction du poids de l'Etat, et méfiance à l'égard des marchés et de la finance américaine. Il y a donc un premier Pébereau, qui a construit dans sa banque un véritable think tank pour exercer son influence. A titre personnel, il est le seul homme d'affaires privé dans la cabine de pilotage de la RGPP, la Révision générale des Politiques publiques, lancée par Sarkozy pour réformer l'Etat de fond en comble. Une incongruité : il y siège aux côtés de ministres et de parlementaires.</p> <p>Au niveau européen, il est le patron de la Fédération bancaire européenne, en contact avec les ministres de l'Economie. Il s'est aussi entouré de personnalités de poids - tous énarques, bien sûr, la BNP est devenue une annexe de l'ENA. Il y a d'abord Jacques de Larosière, 79 ans, ancien directeur général du FMI (1978-1987) et ex-gouverneur de la Banque de France. Connu dans le monde entier, il vient d'être choisi par José Manuel Barroso pour présider un groupe de haut niveau afin de faire avancer l'idée d'un système européen de supervision financière. Il y a aussi, depuis le 1er septembre, Jean Lemierre, 58 ans, un temps pressenti pour présider la Société Générale à la place de Daniel Bouton. Cet ancien président de la Berd (Banque européenne pour la Reconstruction et le Développement) dispose d'un réseau de relations unique dans les ex-pays de l'Est.</p> <p>Et puis, il y a les contacts fréquents avec Jean-Claude Trichet, l'actuel président de la BCE (Banque centrale européenne), un proche de Pébereau, connu au Trésor. Dans cette crise, les deux hommes ont utilisé les connaissances du trésorier de la BNP, Dominique Hoenn, le seul à être à la fois membre de l'Autorité des Marchés financiers et de la Commission bancaire. « Que Michel Pébereau ait réussi à s'entourer d'autant de crocodiles montre bien son intelligence », note un brillant inspecteur des Finances.</p> <p>Le second Michel Pébereau est un homme d'affaires redoutable. Il est administrateur des plus belles sociétés françaises (Saint-Gobain, Lafarge, Total) et membre influent de l'Afep (Association française des Entreprises privées). Sur le plan opérationnel, la banque de la rue d'Antin a su s'attirer les talents, au point de devenir une pépinière de cadres dirigeants français. Elle dispose d'un réservoir immédiatement utilisable dans d'autres sociétés, comme Pierre Mariani, directeur de la banque de détail à l'international, envoyé à la tête de Dexia, décapitée à cause de la crise. Le nom de ce proche de Sarkozy avait déjà circulé pour remplacer Augustin de Romanet à la Caisse des Dépôts. A gauche, « l'école BNP » a récupéré François Villeroy de Galhau, ancien directeur de cabinet de Dominique Strauss-Kahn. Et Frédéric Lavenir, DRH du groupe. Avec ses « Pébereau boys », BNP Paribas est devenue totalement incontournable dans le monde des affaires, y compris dans les fusions-acquisitions. Ce qui fait grincer beaucoup de dents.</p> <p>« Même si ses équipes ne sont pas plus efficaces que celles des grandes banques d'affaires, Michel Pébereau parvient toujours à imposer sa banque dans les deals, jouant de son entregent au plus haut sommet de l'Etat », fulmine un concurrent. Il y a quinze jours, les habituels conseils des Caisses d'épargne ont vu débarquer la BNP à leurs côtés pour le rapprochement avec les Banques populaires. Une arrivée qui a jeté un léger froid puisque le nouvel ensemble est un concurrent direct de la BNP. Et puis François Pérol, secrétaire général adjoint de l'Elysée, a suggéré à la Caisse des Dépôts de prendre la BNP comme conseil pour Dexia...</p> <p>Ces cercles d'influence ont permis au président de BNP Paribas de peser dans l'élection de Laurence Parisot à la tête du Medef. Il l'a conseillée pendant l'affaire de l'UIMM. Vigilant sur les questions d'enseignement, il oeuvre pour faire évoluer celui de l'économie dans le secondaire, car il juge la majorité des professeurs trop « marxistes » !</p> <p>Il est le parrain de la toute nouvelle Ecole d'Economie de Toulouse, créée par Jean Tirole, un « nobélisable », tout en présidant le conseil de direction de Sciences-Po. Enfin, gardien vigilant de l'orthodoxie budgétaire, il a joué les trouble-fête lors de la dernière élection présidentielle. C'est son Institut de l'Entreprise qui avait créé une cellule de chiffrage afin d'évaluer sans complaisance les programmes des principaux candidats. Il les a énervés, leur a empoisonné la vie en publiant, en temps réel, le coût de leurs promesses. Bref, il a pesé sur le débat public. Tout ce qu'il aime.</p>