La République a-t-elle abandonné la Laïcité ?

, par  Eddy Khaldi, Tribune libre
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Des dangers internes et imminents où, en une semaine, plusieurs dizaines de collèges et lycées ont été visés par des menaces d’attentats. Il y a trois jours, Le proviseur du Lycée Maurice Ravel a démissionné suite à des menaces de mort sur les réseaux sociaux pour avoir utilisé la légitime loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues ostentatoires manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. En République, il n’y a qu’un seul rapport de force qui vaille, c’est la loi.

Il est grand temps que l’État donne les moyens de faire appliquer cette loi dans ses établissements de la République et ne laisse pas les personnels de l’Éducation à leur solitude face à de tels agissements et provocations organisées. Il est urgent de prendre des mesures autres que le « pas de vague » caractérisant cet abandon. Ces menaces de mort, après les épisodes de Samuel Paty et Dominique Bernard ne peuvent qu’être prises au sérieux et nous font comprendre la démission du proviseur du Lycée Ravel.

Un danger externe, latent, où l’enseignement catholique accède à présent à un statut inédit, promu à la façon d’un substitut de service au public dorénavant rouvert à l’Église qui, depuis les accords « Lang-Cloupet » de 1992, véritable concordat scolaire, a réactivé la loi de Pétain du 31 décembre 1941 où « l’autorité religieuse » négocie avec les pouvoirs publics pour l’enseignement privé, entité pourtant non reconnue. Rappelons que la loi Debré ne reconnait séparément que des établissements privés à « caractère propre ».

Cet enseignement, depuis les dérapages de sa ministre éphémère, est vivement critiqué pour son séparatisme élitiste et ses privilèges publics. La Croix, avant la publication du rapport de l’Assemblée nationale sur le financement des établissements sous-contrat allume des contre-feux pour éteindre l’incendie et les critiques politiques nouvelles. Sa communication s’égrène ainsi dans quatre dossiers : lundi 25 mars : «  Le privé sous contrat, un enseignement élitiste ?  » pour contrer la publication des indices de position sociale (IPS) ; mardi 26 mars : «  L’enseignement privé sous contrat mais hors contrôle ?  » pour faire oublier le rapport de la Cour des comptes du 1er juin 2023 ; mercredi 27 mars : «  Une autre école d’autres valeurs ?  » pour justifier un repli identitaire communautaire voire séparatiste ; et jeudi 28 mars : «  L’enseignement privé victime … de son succès ?  ». Quelle prétention ! Ceci pour s’approprier, à bon compte, des résultats exclusivement liés à l’origine sociale des élèves et au tri des familles que l’enseignement catholique pratique toujours plus aujourd’hui. Claude Dagens, académicien, ex-évêque d’Angoulême rappelait : « Il n’y a pas, par conséquent, semble-t-il, plus de sens pour que l’Église occupe ce terrain, sinon au risque de se laisser instrumentaliser au service d’une logique de privatisation en mettant à la disposition des privilégiés des systèmes privés de soin, d’éducation, etc… dont l’inspiration catholique n’est plus qu’une source d’inspiration lointaine et finalement inopérante qui risque de produire un contre-témoignage. »

À point nommé, pendant cette campagne de communication de La Croix, on accuse, implicitement, ceux qui proclament qu’«  il n’y a qu’une École de la République  » de relancer la guerre scolaire. Ainsi, en portant cette accusation, le secrétaire général de l’enseignement catholique réunissait ce 27 mars la presse nationale pour incriminer scandaleusement ceux qui contestent son financement public : «  On va vers quelque chose de très grave  », certains cherchent à diviser les jeunes, à fomenter «  une guerre entre jeunes, c’est extrêmement dangereux pour l’avenir de la société  ».

N’est-ce pas là, cependant, une confession de celui qui institutionnalise le séparatisme et nous reproche la division ? Quelle ignominie !

Les lycées Averroès et Stanislas ne respectent pas leur contrat. Peut-on traiter différemment deux établissements privés selon leur « caractère propre » différent ? N’est-ce pas un moyen de faire douter de la Laïcité ? De la présenter comme discriminatoire ?

Peut-on traiter différemment deux religions, appliquer la loi de séparation pour l’une et la contourner pour l’autre ? Et, ainsi, abandonner l’égalité en droit de tous les citoyens au regard de leur liberté de conscience et laisser croire que la laïcité serait un principe discriminatoire selon les convictions ?

30 mars 2024

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