Paris souhaite-t-elle la création d’un nouvel Empire (carolingien) ?

, par  John Groleau
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L’académie et la mairie de Paris ont participé à la campagne d’information consacrée au concours du « Prix européen Charlemagne de la jeunesse » dont la cérémonie de remise de prix aura lieu le 29 avril prochain à Aix-la-Chapelle.

Prix Charlemagne pour la Jeunesse européenne 2008

Ce concours a été lancé par le Parlement européen [1] en association avec la Fondation du Prix Charlemagne international d’Aix-la-Chapelle [2]. Ces derniers invitent « les jeunes de tous les États membres de l’Union européenne à participer à un concours sur l’évolution de l’Union européenne, l’intégration et l’identité européennes » [3]. Voilà un sujet de concours particulièrement intéressant, en particulier si on essaye de connaître les instigateurs de celui-ci...

Pour la majorité des citoyens français, cette Fondation est totalement inconnue. Il me semble pourtant nécessaire de la connaître et je suppose que le recteur de l’Académie de Paris ainsi que le maire de Paris - tout du moins leurs services - ont pris soin de se renseigner avant de faire apparaître sur leurs sites respectifs ce concours [4].

L’idée de décerner un Prix Charlemagne est née en 1949 et le Prix Charlemagne international d’Aix-la-Chapelle fut décerné la première fois en 1950 au comte Richard de Coudenhove-Kalergi. En 2003, le lauréat fut Valéry Giscard d’Estaing qui dans son discours salua en ces termes Richard Coudenhove-Kalergi : « Vous, membres du Comité du Prix Charlemagne, vous avez été particulièrement clairvoyants en attribuant, en 1950, votre premier prix au père du mouvement paneuropéen, M. Coudenhove-Kalergi. Si vous relisez aujourd’hui son discours [5], vous serez émus comme moi par son engagement et par sa vision. C’est aujourd’hui, que nous devons réussir la construction européenne d’un continent uni » [6]. En quoi le Comité du Prix Charlemagne a-t-il été « particulièrement clairvoyant » ? M.Valéry Giscard d’Estaing a-t-il été touché par les passages suivants du discours de 1950 de Richard de Coudenhove-Kalergi ? :

" (...)Mais le chemin qui mène à une Europe unie, de l’Islande à la Turquie comme de la Finlande au Portugal, est encore loin. Des années passeront avant que nous puissions l’atteindre. D’autant plus que nous devons mettre nos meilleures forces au service de l’organisation strasbourgeoise afin qu’un jour tous les peuples d’Europe s’associent. (...) À ce nouveau groupe d’États (ndlr : France, Allemagne, Italie et Bénélux) qui s’étend de l’Elbe aux Pyrénées, il était plus digne de le relier à l’Europe de la grande tradition et de lui donner le nom d’ « Union Charlemagne ». (...) Il s’agit ni plus ni moins que la renaissance d’un Empire carolingien selon des principes démocratiques, fédéraux et sociaux. (...) Le temps est venu de mettre un terme à l’état de guerre entre l’Allemagne et la France, non pas par un traité de paix qui conduirait immanquablement à des protestations et à des efforts de révision, mais par une constitution fédérale qui fonderait la relation franco-allemande de l’avenir sur des lois et non sur des traités. (...) Ce n’est que maintenant avec la signature d’un pacte atlantique que cette crainte (ndlr : rejet des Anglo-Saxons face à cette unité fédérale européenne) est devenue sans objets depuis que l’Angleterre, l’Amérique et l’Europe s’associent dans un système de défense commun. (...) La réalisation d’une « fédération Charlemagne » est pour cela dans les intérêts des Anglais comme des Américains. L’Union atlantique deviendrait une fédération à trois avec l’Empire britannique comme pont entre l’Amérique et l’Europe. La renaissance de l’Empire carolingien dans l’esprit du XXe siècle serait un pas décisif vers une Europe unie. Un nouvel Empire mondial naîtrait dont la population serait plus grande que celle des États-Unis d’Amérique et dont le territoire, de la mer Baltique jusqu’au Katanga, ne serait dépassé en taille que par l’Union soviétique. (...)" [7]

Constitution fédérale, Turquie, Union atlantique... Sommes-nous en 1950 ? Je vous invite à lire totalement ce discours qui à lui seul permet de comprendre la « construction européenne ».

On peut d’ailleurs remarquer la présence parmi les lauréats du Prix Charlemagne international d’Aix-la-Chapelle [8] de trois Américains particulièrement connus : George C. Marshall (1959), Henry Kissinger (1987) et Bill Clinton (2000). Ce dernier dans son discours de juin 2000 à Aix-la-Chapelle avait exprimé une réelle satisfaction pour cette construction européenne [9] - avec le transfert de l’autorité politique de l’État au profit des régions, ces dernières traitant de plus en plus directement avec les autorités supranationales de Bruxelles, mais aussi avec les lobbies anglo-saxons satisfaisant ainsi la politique américaine. Il est à noter que le lauréat 2008 n’est autre qu’Angela Merkel [10] qui s’est fait remarquer en 2007 par sa promotion d’un marché unique transatlantique ! À quand l’Union atlantique ? Ah oui ! Il faut aussi faire l’Union méditerranéenne... Et pourquoi pas un État mondial ?

Qui est à l’origine du concours du « Prix européen Charlemagne de la jeunesse » au Parlement européen ? Est-ce le député européen Bernd Posselt qui est « à la fois président de la Paneurope Allemagne et président de l’association sudète membre de la Fédération des réfugiés (BDV) défendant le principe d’une Europe des régions selon des critères ethniques dans un cadre fédéral » [11] ? Malheureusement, je n’ai pas réussi à avoir la réponse...

En tout cas, après les déclarations de juillet 2007 du président de la Commission européenne, M.Barroso [12], qui avait comparé l’Union européenne à un Empire, et la vidéo de Vladimir Bukovsky, ancien dissident soviétique qui a fait une étonnante comparaison entre l’Union européenne et l’Union soviétique, ce concours du « Prix européen Charlemagne de la jeunesse » avec ses à-côtés troublants est bien malvenu...

Qu’en pensez-vous M.Delanoë ? Et vous, M.Darcos ? Une simple maladresse des services à Paris qui n’ont pas pris soin de s’informer ? Tout comme la Direction départementale de la Jeunesse et des Sports de la Mayenne [13] ?

En 1962, grâce au général de Gaulle, l’Empire français disparaissait. Certaines personnes en France n’ont toujours pas été vaccinées contre le virus de l’impérialisme...

« Le principe des nationalités [et de l’État-nation], dit-on, portait la guerre de 1914 dans ses flancs. À moins que ce fût le principe impérial qui écrasant les nationalités, les exaspérait. » (Régis Debray)

P.S. : pour les personnes intéressées par une connaissance plus approfondie de la construction du bloc euro-atlantique, je vous invite à lire « L’architecture du bloc euro-atlantique » par Pierre Hillard.

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