La retraite, symbole des cahiers de doléances

, par  André Bellon
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La signification de tout évènement dépend du point de vue où on se place. Il en est évidemment ainsi pour la contre-réforme des retraites. Vue par l’UMP, c’est une victoire car le texte a été voté. Vue par le PS, c’est un espoir car Sarkozy ayant suscité un rejet, il suffit d’attendre 2012.

La plupart des commentateurs s’arrêtent là comme si la seule question importante était de savoir qui gagnera (ou plutôt qui perdra) la présidentielle, comme si la vie subie par les salariés, les chômeurs, n’avait aucune importance, comme si leur volonté était sans intérêt. Un telle analyse, assez systématiquement répandue, considère que la vie politique se polarise sur les deux grands partis et que la seule question qui vaille est de savoir s’il y aura ou pas alternance.

Sans doute les puissants raisonnaient-ils de même avant la Révolution française, se demandant uniquement qui allait être le prochain premier ministre désigné par le roi. Et c’est ainsi que Louis XVI, réveillé par le duc de La Roche Foucault Liancourt qui lui annonçait, au soir du 14 Juillet 1789, que les parisiens avaient pris la Bastille, eut, paraît-il, cette réaction : « La Bastille…Pourquoi ? »

Mais il faut voir aussi les conséquences plus profondes de cet évènement.

1/ Je pense que, même si des évènements débouchent immédiatement sur un échec politique, ils peuvent être porteurs d’une victoire idéologique. Le projet de loi portant sur les retraites était, quoiqu’on raconte, une capitulation devant les injonctions de Bruxelles, l’union européenne ne faisant, elle-même, que céder aux diktats des marchés financiers et des agences de notation. Tous les discours politiques ne faisaient que reprendre ces obligations, sans aucun recul ni aucun esprit critique.

Or, en dépit des pressions, des discours des experts, du poids d’une presse quasi unanime, les manifestants, à un niveau de mobilisation constamment élevé, ont refusé le discours de la fatalité, ont rejeté le diktat qui voulait leur faire confondre sacrifice injuste et solidarité. Il y a là confirmation que la chape de plomb imposée depuis des années par un éventail politique assez large, incluant, sous des formes certes différentes, les principales forces politiques, et s’abritant sous les contraintes de la mondialisation, commence à être rejetée. Les citoyens ont affirmé avec force que la question de leur avenir doit être définie par eux—mêmes et non par une quelconque force transcendantale.

2/ Conséquence de ce rejet, la légitimité du pouvoir est remise en cause. Si, en effet, le pouvoir, depuis des années, tend à se présenter comme simple porte parole d’intérêts lointains, mal définis, il était néanmoins accepté comme légitime. Peu de gens remettaient en cause, jusqu’alors, la légitimité d’un Président bénéficiant de 31% au premier tour et qui considère que sa victoire lui donne tous droits, y compris celui de bafouer ses propres promesses.

La manière dont a été bafouée la volonté populaire exprimé le 29 mai 2005 contre le traité constitutionnel européen, le coup d’État contre la démocratie qu’a représenté le traité de Lisbonne avaient déjà suscité bien des réactions. Les derniers évènements, particulièrement du fait de la Présidence de Sarkozy, ont révélé au grand jour la perversion des institutions.

Ces deux éléments conduisent inévitablement à reposer la question du pouvoir et de la légitimité. Sauf à admettre une voie encore plus antidémocratique comme une possibilité, la seule réponse est la réappropriation de la vie politique par son seul possesseur légitime, le peuple. Cette réappropriation passe par l’élection d’une assemblée ad hoc qui, historiquement s’appelle une Constituante. Celle-ci est la réponse rassembleuse, démocratique et pacifique. Elle est, bien entendu, en lien avec le mouvement social puisque c’est justement lui qui en indique la nécessité et c’est lui qui permettra de dépasser le cadre qui enferme aujourd’hui une démocratie d’apparence.

Article également publié dans la lettre n°43 du groupe République !, http://www.le-groupe-republique.fr

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