Les mystiques européens selon Mendès France
« Je ne suis pas des mystiques qui ont laissé entendre sans arrêt qu’il suffit de "faire l’Europe" pour tout résoudre. Pendant des années, j’ai entendu répéter, en face de n’importe quel problème posé : "Y a qu’à faire l’Europe." Difficultés agricoles ? "Y a qu’à faire l’Europe, nous vendrons ainsi nos excédents." Lourdeur des dépenses militaires ? "Y a qu’à faire l’Europe, les charges s’égaliseront." Inégalités fiscales ? Il y a des intérêts, des résistances à surmonter ? "Y a qu’à faire l’Europe, une fiscalité juste sera promulguée par un super-Etat et personne ne pourra s’y opposer." Les viticulteurs grognent ? "Y a qu’à faire l’Europe", etc. C’était la plus mauvaise méthode, parce qu’elle permettait de ne rien faire, en attendant le miracle...Si elles - les nations européennes - veulent faire le poids, il faut qu’elles s’associent, qu’elles créent entre elles des liens plus solides pour se soutenir et s’aider réciproquement. Non seulement des liens, mais, plus encore, un organe central, auquel elles délégueront une partie de leurs moyens pour promouvoir les intérêts qui leur sont communs. »
Extrait du livre "Choisir" de Pierre Mendès France, conversations avec Jean Bothorel, le 8 janvier 1974.
P.S. du canard républicain :
– Pierre Mendès France a employé deux verbes qui me semblent particulièrement importants : associer et déléguer, en opposition avec les verbes fusionner et transférer. On revient aux deux conceptions principales de la construction européenne : l’Europe confédérale et l’Europe fédérale.