Afrique : « Ce que n’a pas achevé le colonisateur, Vincent Bolloré le termine »

, par  J.G.
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La fortune professionnelle de Vincent Bolloré, la neuvième de France, s’élève actuellement à 11,1 milliards d’euros [1], soit 814 261 années de smic [2]. Elle est en très nette progression depuis 2013 [3] ; ce n’est pas la crise pour tout le monde. Il est intéressant de consulter le rapport d’activité 2014 du groupe Bolloré [4] : « Bolloré Africa Logistics, le leader de la logistique et de la manutention portuaire en Afrique, avec 24 000 personnes dans 46 pays d’Afrique, dispose d’un réseau sans équivalent sur le continent ». En 2013, le Niger, pays parmi les plus pauvres du monde, était le troisième producteur mondial d’uranium.


Ci-dessous, un extrait de l’article de Thierry Fabre, « Afrique - Bolloré à la conquête de l’Ouest », Challenges n°460, 14 janvier 2016, p. 48 et 49 :

« Une dizaine de gendarmes armés, avec lunettes et cagoules noires, juchés sur un pick-up escortant trois 4x4 rutilants : le convoi Bolloré est l’attraction du jour à Dosso, une bourgade dans le sud du Niger. Malgré la menace terroriste d’Aqmi et de Boko Haram, les pilotes du projet débarquent de Puteaux, dans les Hauts-de-Seine, pour vérifier l’avancée du chemin de fer. Sous une chaleur de plomb, les ouvriers nigériens soudent des rails tout neufs, dégageant une flamme spectaculaire. “Dans cette région enclavée, nous avons réussi à acheminer 15 000 tonnes de rails, plus d’acier que pour la tour Eiffel”, se rengorge Ange Mancini, 71ans, conseiller de Vincent Bolloré, qui regarde d’un œil inquiet le lac qu’il va falloir remblayer pour faire passer les rails.

L’accueil des “Bolloré boys” est plutôt chaleureux. “J’attends ce chemin de fer depuis 1947”, confie, ému, le chef du village de Birni. Parfois, il est plus froid. Dans la mosquée, le sultan de Dosso, avec son grand turban blanc, a réuni les propriétaires terriens, très remontés. “Ils ont pris nos champs, mais nous n’avons reçu aucune indemnisation”, dénonce l’un d’eux. Un peu gêné, Ange Mancini, chargé de “mettre de l’huile” avec les autorités, les renvoie à l’administration nigérienne, qui doit les indemniser. Pour lui, cet incident n’est qu’un épiphénomène : “Au Niger, ils n’avaient jamais vu le train. En désenclavant cette région, nous réalisons une œuvre historique”, calme l’ancien patron du Raid.

Bolloré à la conquête de l’Ouest africain. Ce tronçon nigérien n’est que la première pierre du projet pharaonique lancé par l’industriel breton. Sa boucle ferroviaire de 3 000 kilomètres doit relier Abidjan (Côte d’Ivoire) à Lomé (Togo) en passant par Ouagadougou (Burkina Faso), Niamey (Niger) et Cotonou (Bénin), avec 1 170 kilomètres de voies à construire, le reste, dans un état vétuste, à réhabiliter. Coûtant 2,5 milliards d’euros sur une décennie, cette boucle est un vieux projet colonial français, lancé en 1905 en Côte d’Ivoire et au Bénin, mais stoppé dans les années 1930. “Ce que n’a pas achevé le colonisateur, Vincent Bolloré le termine”, affirme Michel Roussin, 76 ans, vieux renard de l’Afrique, l’autre superviseur des travaux.

L’industriel français se dit incapable d’estimer la rentabilité de cet investissement, mais il y croit. “Ce continent n’arrêtera pas de se développer. Nous sommes afro-optimistes structurellement”, lâche Vincent Bolloré. Et les les dirigeants africains sont ravis : “Depuis l’indépendance, c’est le chantier le plus important, en emplois et en investissement. Il va structurer notre économie”, se félicite Lionel Zinsou, ex-star de la finance parisienne, bombardé Premier ministre du Bénin.

A la hussarde. Il y pensait depuis plusieurs années, mais c’est en avril 2014 que Vincent Bolloré a lancé brusquement cette folle opération. Sans aucun contrat. Il a juste la “parole” des chefs d’Etat du Niger et du Bénin. » Thierry Fabre

Boucle ferroviaire : Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Niger, Bénin et Togo. Vincent Bolloré. Challenges n°460, p. 50.

Dans Challenges n°461, 21 janvier 2016, p. 7 :

« Les gouvernements du Niger et du Bénin ont demandé aux proches de Michel Rocard qui dirigent la société Geftarail de suspendre la procédure arbitrale visant à bloquer le projet de boucle ferroviaire de Vincent Bolloré. Ils veulent une “résolution amiable” avec Geftarail, qui détient des droits sur un projet concurrent. »


En photo

Vincent Bolloré, Charles Gafan et Faure Gnassingbé (président du Togo)

[1Source : Challenges du 9 juillet 2015

[2Smic net annuel en 2015 : 13 632 euros.

[3

Evolution de la fortune professionnelle de Vincent Bolloré d’après challenges.fr

[4

Rapport d’activité 2014 du groupe Bolloré

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