« Sécurité Globale » : UNE LOI INCOMPLÈTE ET DANGEREUSE

, par  Étienne Tarride, Tribune libre
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Le débat relatif à la Loi dite « Sécurité Globale » s’est polarisé sur la question de la répression des messages sur les réseaux sociaux manifestant une intention malveillante à l’égard d’un policier. Qu’un amendement ait ajouté le mot « manifestement » ne change rien au problème juridique qui mérite réflexion.

Par ailleurs un autre point de cette proposition de loi semble être passé inaperçu.

- Le Droit pénal Français n’incrimine pas l’intention. Il n’incrimine pas non plus les actes préparatoires. Les poursuites judiciaires ne sont possibles que dès lors qu’existe un commencement d’exécution. En l’espèce les poursuites seront possibles dès lors qu’une intention présumée coupable pourra être envisagée. Il appartiendra aux Juges de déterminer le caractère malveillant du message. C’est une donnée subjective qui n’offre pas de garantie au citoyen qui aura cru de bonne foi que son message ne manifestait qu’une opinion et non une intention haineuse. Qu’un individu donne le nom et l’adresse d’un policier est évidemment condamnable quels que que soient les termes employés. En revanche un message traduisant une méfiance ou même une hostilité d’ensemble à l’égard des forces de l’ordre, même rédigé en des termes excessifs, est infiniment plus anodin. Aucun citoyen ne peut désormais être assuré que le Parquet n’engagera pas des poursuites à son encontre. La proposition de loi est sur ce point d’un flou incompatible avec l’exercice des libertés publiques.

- Il n’est pas assez souligné que seuls les membres des forces l’ordre sont concernés par ce texte. De douloureux exemples récents montrent que d’autres professionnels devraient l’être aussi. En bonne logique juridique, tous les citoyens devraient être également protégés. L’inégalité devant la Loi est patente et le Conseil Constitutionnel pourrait censurer le texte.

- La proposition de Loi n’aborde pas le vrai problème relatif aux réseaux sociaux, celui de l’anonymat. Tant qu’une réglementation de cet anonymat ne permettra pas d’établir qui est le véritable auteur d’un message incriminé, tout texte restera un coup d’épée dans l’eau.

L’autre point essentiel de cette proposition de Loi est aujourd’hui ignoré. L’article 22 du texte permet de filmer les manifestations par des caméras juchées sur des drones. Il est indiqué que « Les opérations en cause sont réalisées de telle sorte qu’elles ne visualisent pas les images de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées ». Aucune sanction n’est prévue en cas de violation de ce qui n’est pas une règle mais un souhait qui n’a pas sa place dans une Loi. Aucune garantie n’est donnée quant à la destruction des images prises par erreur ou de manière délibérée.

Cette disposition, déjà éminemment dangereuse avec l’actuel gouvernement et l’actuel Président dont nous savons qu’ils peuvent être atteints de poussées lourdes d’autoritarisme, peut le devenir encore plus avec les gouvernements à venir.

Cette Loi ne protège pas les policiers et les gendarmes qui le mériteraient pourtant, du fait de l’anonymat sur les réseaux sociaux. Elle ne veut protéger personne d’autre ce en quoi elle est inégalitaire. Cette Loi met en danger les gens ordinaires qui commettraient des propos désagréables mais anodins à l’égard des forces de l’ordre.

Cette Loi pourra, en dépit de toutes les précautions purement littérales et théoriques prises, justifier des atteintes aux droits des journalistes qui pourront être poursuivis pour complicité par fourniture de moyens.

Cette loi peut servir à enregistrer et conserver des images prises par des drones équipés de caméras.

Elle n’est pas à amender mais à rejeter.

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