L’expansion révolutionnaire : la faute des Girondins

, par  J.G.
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Jacques Pierre Brissot (1754-1793)

« Dans cette première période, alors que les Constituants se sont attardés sur le droit de paix et de guerre, les problèmes viennent de la diplomatie parallèle secrète du roi : le 3 décembre 1790 le souverain a écrit au roi de Prusse pour demander un congrès des puissances aptes à le restaurer dans ses pouvoirs. Ils tiennent, ensuite, dans l’attitude des Etats monarchiques, inquiets à l’idée de l’expansion des idées révolutionnaires : c’est l’époque où l’impact des événements de France (l’écho de la Bastille) est largement ressenti en Europe, dans l’Empire chez les intellectuels, en Angleterre dans ses clubs. Le nouvel Etat révolutionnaire bénéficie provisoirement des difficultés des puissances : guerre russo-turque, premier partage de la Pologne. Le 27 août 1791, l’empereur Léopold et le roi de Prusse, en se mettant d’accord à Pillnitz sur une déclaration qui fait état de leurs préoccupations, ne s’engagent encore que prudemment. Mais à cette date, la tentative de fuite du roi à Varennes a déjà mis en éveil une Révolution qui lève ses premiers bataillons de volontaires et se préoccupe de la menace des émigrés sur ses frontières.

L’imminence de la guerre a dominé l’histoire de la Législative, marquée par le grand débat chez les jacobins entre Robespierre et Brissot sur l’opportunité d’entrer en conflit avec l’Europe des "despotes" (voir Discours de Robespierre contre la guerre). A la prudence du premier, qui dénonce tous les dangers d’un conflit et évoque prophétiquement l’éventualité de l’émergence d’un sauveur militaire, s’oppose la hardiesse sans doute inconsidérée du second : démasquer la duplicité royale, aller aussi au-devant des aspirations escomptées des peuples pour étendre le règne de la liberté.

Une seconde séquence s’ouvre, où prévaut, en simplifiant, la lecture "girondine" dans la politique extérieure de la France. Elle est évidemment dominée, à partir du printemps, par l’état de guerre, à partir de l’ouverture des hostilités le 20 avril 1792 avec "le roi de Bohême et de Hongrie", auquel se sont joints d’entrée, malgré la prudence diplomatique, les Etats de l’Empire et le roi de Prusse. La conjoncture militaire domine, marquée par les défaites françaises, l’invasion du printemps et de l’été 1792, et la menace formulée le 25 juillet par le Manifeste de Brunswick d’une "subversion totale" s’il était porté atteinte à la personne royale. On en connaît le résultat : après la chute de la monarchie le 10 août, et surtout le redressement français par la victoire de Valmy (20 septembre 1792), la Révolution s’engage dans une politique d’expansion momentanée, qu’autorise la conquête de la Belgique après la victoire de Jemmapes (6 novembre 1792) et celle de la rive gauche du Rhin. Que faire de ces nouvelles acquisitions ? En Savoie, conquise sur le roi du Pièmont, le voeu des populations, ratifié comme à Avignon par un vote, conduit à l’annexion. La Savoie constitue désormais le département du Mont-Blanc et le comté de Nice, suivant la même procédure, devient le département des Alpes-Maritimes. La Belgique, sollicitée aussi sur le point de son rattachement à la France, s’y rallia avec un inégal empressement selon les provinces, wallones ou flamandes, bref intermède avant la contre-offensive de l’empereur. La nouvelle lecture qui prévaut durant cette séquence est donc "guerre aux châteaux, paix aux chaumières", expansion révolutionnaire qui s’exprime dans la déclaration du 19 septembre 1792 par laquelle la France accorde "fraternité et secours" aux peuples en lutte pour leur liberté. Cette politique girondine, qui rencontre les visées d’un Dumouriez, associe réel idéalisme révolutionnaire et sans doute considérations plus concrètes -ouverture de nouveaux marchés pour la bourgeoisie et les milieux d’affaires.  »

Source de cet extrait : Michel Vovelle, La Révolution française 1789-1799, édition Armand Colin, 2006.

P.S. :

 Jeune journaliste, Brissot voyagea en Angleterre et en Amérique où il s’ouvrit aux idées libérales. De retour en France, il fonda le journal Le Patriote français et la Société des amis des Noirs. Membre du club des Jacobins, il devint partisan de la République après la fuite du roi à Varennes. Élu député à la Législative, il siègea avec les Girondins dont il devint l’un des chefs. Il fut l’un de ceux qui réclamèrent la guerre à l’Autriche et à la Prusse. Son indécision face à la déchéance du roi mina sa crédibilité. Élu à la Convention, il s’opposa au groupe de la Montagne qui se dressa contre lui. La trahison du général Dumouriez, un proche de la Gironde, le fit suspecter de conspiration avec l’ennemi. Il tenta de museler les forces populaires en réclamant la dissolution de la Commune et la fermeture du club des Jacobins (dont il avait été exclu en octobre 1792). Décrété d’accusation pour conspiration contre la République, il fut guillotiné avec les autres Girondins le 31 octobre 1793.
 Michel Vovelle, professeur émérite à l’Université de Paris I, ancien directeur de l’Institut d’Histoire de la Révolution, est président de la Commission Internationale d’Histoire de la Révolution du Comité International des Sciences Historiques. Auteur de nombreux ouvrages, il a principalement orienté ses recherches su l’histoire de cette période et sur celle des mentalités.

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