« le racisme [...] rapporté de façon exclusive au “peuple”, à la “langue” et à l’ “esprit”, et cela exactement comme chez Heidegger »
Ci-dessous, un extrait du livre d’Emmanuel Faye, Heidegger, l’introduction du nazisme dans la philosophie. Autour des séminaires inédits de 1933-1935 [1]. Il est tiré de la partie intitulée « L’action “contre l’esprit non allemand” et le nouveau droit des étudiants ».
« Et les étudiants nazis de l’université de Fribourg ont lancé l’appel suivant :
L’Association des étudiants allemands est décidée à mettre en œuvre, jusqu’à l’anéantissement total, le combat spirituel contre la décomposition judéo-marxiste du peuple allemand. Le symbole de ce combat sera l’autodafé public, en date du 10 mai 1933, des écrits judéo-marxistes. Allemands, rassemblez-vous pour ce combat ! Déclamez publiquement la disposition commune au combat. [...] Le feu de l’annihilation deviendra alors la flamme ardente de notre combat enthousiaste pour l’esprit allemand, pour les mœurs allemandes et pour les coutumes allemandes. LES ÉTUDIANTS DE L’UNIVERSITÉ DE FRIBOURG. LA LIGUE DE COMBAT POUR LA CULTURE ALLEMANDE [2]. |
Il semble que cela n’ait pas paru suffisant aux jeunesses nazies de Fribourg. Ainsi, bien après la destruction par les flammes de la masse des livres taxés d’ “esprit non allemand”, la Ligue de combat pour la culture allemande (Kampfbund für deutsche Kultur ) annonce à nouveau, le 20 juin 1933, un “autodafé symbolique de la littérature de souillure et de salissure” (symbolischer Verbrennungsakt von Schmutz- und Schundliteratur ) [3] : originellement prévu pour le samedi 17 juin 1933 sur la place de la Cathédrale, l’autodafé symbolique est reporté au mercredi 21 juin, pour la fête du Solstice dans le stade de l’université. Finalement, la fête du Solstice et le bûcher des flammes sont eux-mêmes reportés au samedi 24 juin. Dans le stade de l’université, ce soir-là, Rudolph Stadelmann et Martin Heidegger prononcent un discours devant les flammes [4]. Que la pluie à nouveau présente ait empêché ou non de brûler matériellement des livres, les flammes devant lesquelles discourent Stadelmann, puis Heidegger, ont certainement, pour les participants, la valeur d’un autodafé symbolique de livres “non allemands”. Lorsque le recteur Heidegger s’exclame : “Flamme, annonce-nous, éclaire-nous, montre-nous le chemin d’où il n’y a plus de retour”, il ne peut ignorer la signification symbolique de ce bûcher. On ne saurait donc nier que Heidegger a participé à un bûcher symbolisant la destruction de l’esprit dit “non allemand”.
Mais revenons aux circonstances entourant la rédaction du placard “Contre l’esprit non allemand” et sa diffusion. La Deutsche Studentenschaft a terminé de le rédiger dès le 8 avril 1933, et c’est Alfred Baeumler, le “philosophe” alors le plus proche de Heidegger, qui met la dernière main au texte avant qu’il ne soit diffusé dans tout le Reich à partir du 12 avril. À ce moment-là, Heidegger n’est pas encore recteur, et si l’affichage du placard a été interdit à Fribourg, cela n’a pu être que le fait du recteur Möllendorf alors en place, comme Heidegger le confirmera finalement lors de son entretien de 1966. En outre, nous l’avons montré, ce n’est pas une lettre d’interdiction du placard diffusé par la DSt que Heidegger envoie au lendemain de sa prise de fonction, mais, tout à l’opposé, une proposition de collaboration renforcée avec la DSt sous la forme de journées d’études à Berlin !
En prenant appui sur un fait extrêmement troublant, et qui n’a pas été suffisamment pris en compte jusqu’ici, nous pouvons aller plus loin. L’un des plus proches disciples de Carl Schmitt, Ernst Forsthoff, a publié en 1938 une deuxième édition, augmentée, d’un ouvrage intitulé L’Histoire allemande depuis 1918 en documents. Sous ce titre d’allure anodine, Forsthoff a regroupé, classé et commenté un ensemble de documents, d’extraits de lois et de fragments de discours, qui retracent précisément la progression de l’entreprise nazie et hitlérienne jusqu’en 1936 environ. Or Forsthoff édite à la suite – de sorte que l’on peut les lire en vis-à-vis – le placard antisémite d’avril 1933 et un long extrait du discours de rectorat de Heidegger de mai 1933, extrait dans lequel celui-ci fait l’éloge de la Deutsche Studentenschaft nazie.
La présence dans ce livre d’un ample extrait du discours de rectorat de Heidegger et la manière dont Forsthoff l’insère apportent beaucoup d’indications. Tout d’abord, on voit l’importance tout à fait officielle qui est reconnue au discours de Heidegger en 1938, dans un ouvrage approuvé par la commission d’impression de la NSDAP et présenté comme destiné à figurer dans la “bibliographie national-socialiste”. Il faut souligner en outre que les autres discours cités dans ce livre sont exclusivement des discours ou des textes de Hitler lui-même ou des plus hauts dignitaires nazis : Goebbels, Rosenberg, Darré, Streicher. On y trouve également Mussolini. Aucun autre universitaire que Heidegger n’est présent dans l’ouvrage. C’est donc la preuve de l’importance politique exceptionnelle de celui-ci, comparable, dans l’esprit de Forsthoff, à celle des plus hauts dignitaires du nazisme.
Par ailleurs, il importe de préciser de manière plus complète dans quelle suite de documents apparaît le discours de Heidegger. Dans la section Kulturpolitik, on trouve successivement, à propos de la “politique universitaire” (Hochschulpolitik ), deux discours du représentant de la Deutsche Studentenschaft, Gerhard Krüger, la loi du 22 avril 1932 sur la formation des associations d’étudiants, le discours de Goebbels prononcé lors de l’autodafé des “écrits non allemands” du 10 mai 1933, l’affiche de la corporation des étudiants allemands “Contre l’esprit non allemand”, l’extrait du discours de rectorat de Martin Heidegger, enfin, un extrait du discours prononcé par le ministre de l’Agriculture du IIIe Reich, Walter Darré, en 1936, à Heidelberg. Heidegger figure donc en bonne place… En outre, on retrouve le nom de Gerhardt Krüger qui, dès 1932, était intervenu au nom de la Deutsche Studentenschaft pour réclamer l’introduction du Führerprinzip et l’application contre les Juifs d’un numerus clausus à l’Université. On voit donc à travers ces documents que la Gleichschaltung est préparée dès 1932 pour l’Université, et sa mise en place, orchestrée dans l’ensemble du Reich, s’effectue selon une gradation où le discours de Heidegger joue un rôle déterminant de validation universitaire et “spirituelle” de l’action de la Studentenschaft nazie.
Il est maintenant nécessaire d’évoquer, malgré son abjection, le contenu de l’affiche rééditée par Forsthoff en vis-à-vis du discours de Heidegger. Le placard de la Deutsche Studentenschaft est constitué des douze thèses suivantes :
Contre l’esprit non allemand : 1. Le langage et l’écriture sont enracinés dans le peuple. Le peuple allemand porte la responsabilité de ce que sa langue et son écriture sont l’expression pure et non falsifiée de son être-peuple (Volkstum). 2. Aujourd’hui, la contradiction entre l’écrit et l’être-peuple allemand est devenue béante. Cette situation est une honte ! 3. C’est de toi que dépend la pureté de la langue et de l’écrit. Ton peuple t’a confié la langue pour que tu la conserves fidèlement. 4. Notre plus dangereux antagoniste est le Juif, et celui qui le sert. 5. Le Juif ne peut penser que de manière juive. S’il écrit en allemand, c’est qu’il ment. L’Allemand qui écrit en allemand, mais qui pense en Juif, celui-là est un traître. En outre, l’étudiant qui parle et écrit de manière non allemande est irréfléchi et devient infidèle à sa tâche. 6. Nous entendons extirper le mensonge, nous voulons stigmatiser la trahison ; pour l’étudiant, nous ne voulons pas des lieux d’absence de pensée, mais de dressage (Zucht) et d’éducation politique. 7. Nous entendons proscrire le Juif en tant qu’étranger, et nous voulons prendre au sérieux l’être-peuple. C’est pourquoi nous exigeons de la censure : que les œuvres juives soient publiées en langue hébraïque. Si elles paraissent en allemand, elles doivent porter la mention “traduction”. L’intervention la plus ferme contre le mauvais usage de l’écriture allemande. L’écriture allemande est désormais disponible à l’Allemand. L’esprit non allemand sera éliminé des bibliothèques publiques. 8. Nous exigeons de l’étudiant allemand qu’il ait la volonté et la capacité de connaître et décider de manière autonome. 9. Nous exigeons de l’étudiant allemand qu’il ait la volonté et la capacité de maintenir pure la langue allemande. 10. Nous exigeons de l’étudiant allemand qu’il ait la volonté et la capacité de surmonter l’intellectualisme juif et les signes corollaires de décadence libérale dans la vie spirituelle allemande. 11. Nous exigeons la sélection des étudiants et des professeurs en fonction de leur assurance à penser selon l’esprit allemand. 12. Nous exigeons que l’université allemande soit le rempart de l’être-peuple allemand et l’arène nourrie de la force de l’esprit allemand. LA CORPORATION DES ÉTUDIANTS ALLEMANDS [5]. |
La virulence de l’antisémitisme du texte n’a pas d’équivalent à l’époque dans les écrits des enseignants nazis. C’est seulement après 1935 que l’on trouvera des propositions similaires chez certains universitaires nazis, et que l’on verra par exemple Carl Schmitt, dans le colloque qu’il organisera en 1936 sur La Science du droit dans sa lutte contre l’esprit juif, préconiser les mêmes mesures que celles énoncées dès 1933 dans les thèses 5 et 7 du placard.
Que Forsthoff publie en vis-à-vis les thèses de la corporation des étudiants allemands et un ample fragment du discours de rectorat de Heidegger amène le lecteur à se demander s’il existe un lien entre les deux textes, et lequel. C’est un fait que, dans son discours, Heidegger prononce un éloge appuyé de la Deutsche Studentenschaft qu’il évoque à trois reprises. Voilà en effet comment il s’exprime, dans le premier paragraphe du passage réédité par Forsthoff :
Le concept de liberté des étudiants allemands (deutschen Studenten) est maintenant reconduit à sa vérité. À partir de lui se déploie pour l’avenir le lien et le service de la corporation des étudiants allemands (deutsche Studentenschaft) [6]. |
Encore Forsthoff ne donne-t-il que la seconde moitié du paragraphe : dans le texte complet, Heidegger met encore plus nettement l’accent sur la Deutsche Studentenschaft. Il écrit en effet :
De la résolution de la corporation des étudiants allemands (deutsche Studentenschaft) de soutenir le destin allemand dans sa plus extrême détresse provient une volonté de l’essence de l’université. Cette volonté est une vraie volonté dans la mesure où, grâce au nouveau droit des étudiants, la corporation des étudiants allemands (die deutsche Studentenschaft) se place elles-même sous la loi de son essence et délimite par là, la première, cette essence [7]. |
Cette déclaration de Heidegger contient une référence concrète et précise qui n’a pas suffisamment retenu l’attention des commentateurs. En effet, la référence élogieuse au “nouveau droit des étudiants”, qui a permis à la Deutsche Studentenschaft de délimiter son essence, renvoie précisément à l’une des mesures juridiques les plus odieuses de la Gleichschaltung générale, à savoir la loi “contre l’excédent des effectifs dans les écoles et les universités allemandes” du 25 avril 1933 [8]. Sous cet euphémisme administratif, le “nouveau droit des étudiants” instaure en réalité un numerus clausus draconien, limitant à 1,5 % le nombre d’étudiants juifs désormais admis à l’Université. À l’université de Fribourg, le nouveau recteur Heidegger a prévu de faire entrer en vigueur ce “nouveau droit des étudiants” le 1er mai 1933, en même temps que les festivités d’intronisation du recteur et son entrée officielle dans la NSDAP. On lit en effet, dans le journal nazi de Fribourg Der Alemanne, que :
Le rectorat académique de l’université de Fribourg fait savoir : La proclamation solennelle, prévue dans les universités prussiennes à la date du 1er mai, du nouveau droit des étudiants, sera dans notre université, où le changement de recteur coïncide avec le début du semestre d’été, dignement intégrée aux festivités de la transmission du rectorat [9]. |
En outre, seule la corporation des étudiants allemands – entièrement contrôlée par les nazis et dont les dirigeants sont obligatoirement membres de la NSDAP – est reconnue dans le nouveau droit comme représentative des étudiants. De ce fait, l’association des étudiants juifs “Neo-Friburgia” a été contrainte de se dissoudre [10]. On voit donc que Martin Heidegger approuve ouvertement cette loi antisémite, et sa référence au “nouveau droit des étudiants” indique de manière indiscutable en quel sens raciste et antisémite il entend l’expression “délimiter son essence”.
Il faut d’ailleurs ajouter qu’une fois de plus le pays de Bade a fait preuve d’un zèle particulier. On apprend en effet, le 12 juin 1933, que :
Le ministère d’État de Bade vient de prendre une disposition légale concernant les étudiants, qui stipule dans son paragraphe 1 que, lors de l’immatriculation, les étudiants devront faire une déclaration sur l’honneur attestant que leurs parents et grands-parents sont d’ascendance allemande [11]. |
Si l’on regarde maintenant le contenu du placard de la Deutsche Studentenschaft, l’antisémitisme radical qui s’y exprime n’a d’équivalent entièrement explicite, chez Heidegger, que dans des textes qu’il se garde de rendre publics, comme sa lettre de 1929 au conseiller Schwoerer. Cependant, le programme de lutte pour “la vie spirituelle allemande” et contre “l’enjuivement” que définit sa lettre annonce exactement ce que la Deutsche Studentenschaft met en œuvre dans son action “contre l’esprit non allemand”. En outre, les références appuyées des douze thèses au langage (Sprache) et au Volkstum coïncident avec les positions mêmes de Heidegger. Il parle ainsi, dans son discours de rectorat, de “l’homme occidental” qui, “à partir d’un être-peuple (Volkstum)” et “par la force de sa langue (Sprache)” se dresse pour la première fois contre l’étant dans sa totalité [12]. Et nous aurons, dans d’autres textes de la même période, l’occasion de retrouver l’importance de la référence au Volkstum chez Heidegger, dont, dans son discours du 6 mai 1933 pour l’immatriculation des étudiants, il va jusqu’à faire la “racine de l’esprit [13]”. Il est donc indiscutable, et c’est là un point capital, que le racisme de ces douze thèses n’est pas exprimé de manière “biologique”, mais au contraire rapporté de façon exclusive au “peuple”, à la “langue” et à l’ “esprit”, et cela exactement comme chez Heidegger. Quant à l’écriture dite “allemande” - c’est-à-dire les caractères gothiques -, il n’est pas inutile de rappeler à ce propos que Heidegger a délibérément choisi de faire éditer son discours chez un éditeur de Breslau qui l’imprime en caractères gothiques, alors que la collection dans laquelle son discours prend place continue, sous le IIIe Reich, à paraître en caractères latins.
Il nous faut signaler par ailleurs qu’Ernst Forsthoff a encore publié en 1943 une troisième édition augmentée de son livre désormais intitulé : Histoire allemande de 1918 jusqu’en 1938 en documents. Il va donc jusqu’à la dernière année précédant la Seconde guerre mondiale. Le discours de rectorat y est pareillement cité à la suite des douze thèses antisémites, mais Forsthoff ajoute un peu plus loin un discours prononcé par Alfred Rosenberg, le 16 février 1938, et intitulé “National-socialisme et éducation”. Heidegger demeure bien entouré. Faut-il ajouter que lui-même et ses apologistes ont toujours fait silence, après 1945, sur ces deux rééditions partielles de son discours sur L’Affirmation de soi de l’Université allemande…
Il subsiste beaucoup d’inconnues dans l’activité réelle de Heidegger. Nous savons qu’il a bénéficié d’un semestre sabbatique durant l’hiver 1932-1933, de sorte qu’il n’a dispensé aucun cours entre juillet 1932 et le début de mai 1933. Durant cette longue période, comme il tient à le préciser à Elisabeth Blochmann, il n’écrit aucun livre, mais se trouve accaparé, dit-il, durant plusieurs semaines, par d’ “importantes activités universitaires entre autres [14]”. Il semble probable qu’il ait cultivé de manière discrète ses liens avec la Deutsche Studentenschaft et ses dirigeants, Gerhardt Krüger et Georg Plötner. Les “philosophes” nazis les plus engagés participaient en effet à l’action “contre l’esprit non allemand”. Ainsi, nous avons vu qu’Alfred Baeumler avait mis la dernière main au texte du placard et pris la tête du cortège de ses étudiants en uniforme de la SA pour se rendre, après son cours, le 10 mai 1933, à l’autodafé de livres à Berlin et y prononcer un discours. Et cette participation notoire de Baeumler à l’action antisémite des étudiants nazis n’a nullement conduit Heidegger à relâcher les liens étroits qui ont subsisté entre les deux hommes pendant les mois suivants. Quant à Erich Rothacker, il fut un temps chef du service de l’éducation du peuple (Leiter der Abteilung Volksbildung) au ministère de la Propagande et “l’homme de liaison entre Goebbels et l’action étudiante contre l’esprit non allemand [15]”. Pour Heidegger lui-même, ses liens personnels avec Gerhardt Krüger, sa correspondance avec Georg Plötner et l’initiative qu’il a prise de faire organiser les Journées de Berlin montre assez que, loin de manifester la moindre réserve, il coopérait activement avec les auteurs de la campagne antisémite. On sait même qu’il a adressé son discours de rectorat aux quatre principaux chefs de la Deutsche Studentenschaft : Gerhard Krüger, Georg Plötner, Andreas Feikert et Hanskarl Leistritz, lequel avait proclamé les “sentences de feu” lors de l’autodafé des livres à Berlin [16].
Bref, étant donnés les liens d’affinité politique et d’amitié personnelle entre Heidegger et Baeumler d’une part, Heidegger et les représentants de la corporation des étudiants nazis d’autre part, on peut affirmer qu’il entretient les liens de solidarité les plus étroits avec les principaux acteurs de la campagne antisémite, et que son discours de rectorat, avec ses prises de position explicites et appuyées en faveur de la Deutsche Studentenschaft et son éloge du nouveau droit de l’étudiant, exprime non seulement le soutien académique public et officiel du recteur Heidegger au mouvement foncièrement antisémite de la corporation des étudiants nazis, mais la volonté d’apparaître comme celui qui lui imprime sa “direction spirituelle”. »
Emmanuel Faye