"M. David Rockefeller quitte la présidence de la Chase Manhattan Bank". Par J.-M. Q.
« M. David Rockefeller prend sa retraite. Il quitte, mardi 21 avril, la présidence de la Chase Manhattan Bank et abandonne toute fonction au sein de la troisième banque américaine. Il y a seize mois, M. David Rockefeller avait déjà laissé la direction générale de la banque et annoncé qu’il quitterait la présidence en avril 1981 (“le Monde” du 21 décembre 1979). Il est remplacé dans ses fonctions par M. Willard Butcher.
Cadet des cinq petits-fils de John D. Rockefeller, le fondateur de la Standard Oil, aujourd’hui baptisée Exxon, David Rockefeller est le seul membre de la famille à avoir fait une réelle carrière dans les affaires. Entré en 1946 à la Chase Manhattan Bank, la banque “familiale” créée en 1930, il est considéré comme l’un des hommes les plus riches et les plus puissants des États-Unis. Son salaire annuel comme président de la Chase était de 589 000 dollars (3 millions de francs) auxquels s’ajoutent les multiples revenus provenant d’une fortune personnelle évaluée à 1 milliard de dollars.
Rarement un homme aura mieux illustré l’étroite imbrication qui existe entre les affaires, la politique et la diplomatie. Certes, M. David Rockefeller n’a jamais fait directement de politique. Il laissait cela à son frère Nelson, aujourd’hui décédé, qui fut vice-président des États-Unis lorsque Gerald Ford remplaça Richard Nixon. Mais, par ses activités à travers le monde, ses relations avec divers chefs d’État, son activité à la Commission trilatérale, M. David Rockefeller a joué et joue toujours un rôle de premier plan sur la scène politique internationale.
Ainsi, M. Rockefeller et la Chase Manhattan ont “collé” à la politique étrangère des États-Unis. La Chase Manhattan sera la première banque américaine à ouvrir un bureau en Union soviétique. En 1973, après une rencontre entre M. Rockefeller et M. Chou Enlai, elle est choisie pour représenter la Banque de Chine aux États-Unis. En 1974, la Chase Manhattan sera également la première banque à s’installer en Égypte depuis la crise de Suez en 1956...
Mais l’un des terrains de prédilection de M. Rockefeller et de la Chase aura été sans nul doute l’Iran. Les relations amicales entre M. David Rockefeller, M. Henry Kissinger et la famille Pahlavi ont fait couler beaucoup d’encre. Banquier personnel du cheh d’Iran, la Chase était également celui de l’État. À ce titre, elle gérait des milliards de dollars. Or, selon le nouveau gouvernement iranien, le “recyclage” de cet argent n’a pas été au-dessus de tout reproche.
L’un des aspects les plus spectaculaires de cette imbrication de la politique et des affaires a été la création par M. David Rockefeller, en 1972, de la Commission trilatérale. L’idée était de réunir quelques personnalités des États-Unis, d’Europe et du Japon, qui se rencontreraient régulièrement au sein d’une sorte de club pour débattre des problèmes mondiaux et formuler au besoin quelques recommandations aux gouvernants et aux gouvernés. M. Rockefeller allait s’adjoindre comme assistant pour la Commission trilatérale M. Zbigniew Brzezinski, futur conseiller du président Carter, lui-même membre de la Commission trilatérale, tout comme M. Cyrus Vance, M. Raymond Barre, M. Jean-Philippe Lecat et quelques autres. » J.-M. Q.
Source : Le Monde, 21 avril 1981.
Davantage d’informations sur la photo ci-dessus :
Valéry Giscard d’Estaing lors d’une conférence de presse dans le cadre de la Commission Trilatérale, à Paris à l’hôtel Intercontinental en avril 1989 :