Nelson A. Rockefeller : le fédéralisme, pierre angulaire du mondialisme et du libéralisme économique

, par  John Groleau
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Suivez le guide… : « Le transfert à New York des Nations unies fut presque entièrement dû à Nelson Rockefeller, petit-fils du magnat du pétrole John D. Rockefeller [1] et par la suite gouverneur de l’état de New York. Nelson, propriétaire du Rockefeller Center, était avant tout désireux de faire prospérer son investissement. Indépendamment de toute considération politique, il se rendait compte que non seulement l’installation du siège de l’ONU sur l’East River aurait augmenté la valeur du Rockefeller Center, situé à dix îlots seulement de là, mais aussi qu’elle aurait empêché la construction à cet emplacement d’un centre commercial rival. Grâce à une donation de 8,5 millions de dollars qu’il obtint de son père, Nelson acheta tout le quartier d’abattoirs qui s’étendait le long du fleuve. Après quoi il convainquit les Nations unies de s’installer à New York » [2]. Enfin, presque…

En 1964, le livre de Nelson A. Rockefeller intitulé L’avenir du fédéralisme constitua le cahier n°4 de la collection Réalités du présent [3] publiée sous le patronage du Centre international de formation européenne (CIFE). Tout comme le cahier n°3 (L’Europe des ethnies de Guy Héraud – 1963 [4]), il fut préfacé par Alexandre Marc, fondateur - président d’honneur - du CIFE. Ce dernier a également participé en 1946 à la fondation de l’Union européenne des fédéralistes (UEF) [5] dont il devint le premier secrétaire général, organisation affiliée au World Federalist Movement (Mouvement fédéraliste mondial) [6]. Un certain François Mitterrand avait participé au congrès de l’UEF en novembre 1948.

François Mitterrand à Rome, le 18 novembre 1948, au congrès de l’UEF
Source : http://www.mitterrand.org/IMG/pdf/lettre8.pdf [7]



D’après le site cife.eu, « Les activités du CIFE comprennent l’étude, l’enseignement, la formation et la recherche sur les problèmes de l’unification européenne et mondiale, le fédéralisme, le régionalisme et les transformations des structures de la société contemporaine, selon une prospective fédéraliste ».

Jean-Claude Juncker. Capture d’écran du site cife.eu - 30/07/12

Actuellement, on retrouve à sa tête Jean-Claude Juncker, président de l’Eurogroupe du 1er janvier 2005 au 21 janvier 2013, gouverneur de la Banque mondiale de 1989 à 1995 et assumant depuis la responsabilité de gouverneur du FMI [8]. Celui-ci avait reçu en 2006 le Prix Charlemagne [9] et en 2007 la Coudenhove-Kalergi-Plakette [10].

Le comte Richard Nikolaus de Coudenhove-Kalergi, premier lauréat en 1950 du Prix Charlemagne, avait évoqué lors de son discours à Aix-la-Chapelle « une constitution fédérale qui fonderait la relation franco-allemande de l’avenir sur des lois et non sur des traités », mais aussi « L’Union atlantique » qui « deviendrait une fédération à trois avec l’Empire britannique comme pont entre l’Amérique et l’Europe ». Fondateur de l’Union Paneuropéenne, celle-ci « reconnaît l’auto-détermination des peuples et le droit des groupes ethniques au développement culturel, économique et politique » [11] dans ses principes fondamentaux.

La Coudenhove-Kalergi-Plakette est décernée par Europa-Union Deutschland (EUD) [12], la section allemande de l’Union des fédéralistes européens (UEF). Jean-Claude Juncker reçut son prix des mains d’Elmar Brok [13], président d’honneur de l’EUD, commandeur de l’ordre de Saint-Grégoire-le-Grand [14] et grand partisan du « marché transatlantique libre d’entraves » [15]. Notons au passage que Simone Veil fut la lauréate en 2010 [16]. L’EUD est affiliée au Mouvement européen, organisation qui fut financée par le Comité Américain pour une Europe Unie (ACUE), lui-même financé par les fondations Ford et Rockefeller [17].

À l’heure où Jacques Attali préconise la création d’un État de droit mondial en rêvant « d’un Jérusalem devenant capitale de la planète qui sera un jour unifiée autour d’un gouvernement mondial » [18], sachant que le MEDEF a pour priorité le fédéralisme européen [19] et que la Commission Trilatérale fondée par David Rockefeller appelle à la constitution d’un bloc Europe-Afrique intégré, au moment où nous sommes - plus que jamais - en route vers l’Union transatlantique [20], les extraits ci-dessous du livre de Nelson A. Rockefeller - vice-président de l’Empire américain du 18 décembre 1974 au 20 janvier 1977 - prennent un certain relief.

Rappelons en passant que la Synarchie, dans son Pacte, avait également évoqué les « cinq fédérations impériales du monde actuel, déjà formées ou en formation, comme base d’une Société Universelle des Nations » en mettant notamment au cœur de son projet le fédéralisme. Pour elle, l’Empire synarchique français était voulu comme « le facteur primordial de l’Union fédérative de l’Europe » et « le promoteur de la Pan-Eurafrique ».

Ci-dessous, des extraits de la partie III, Le fédéralisme et l’organisation du monde libre, du livre de Nelson A. Rockefeller intitulé L’avenir du fédéralisme  [21]  :

p. 73 : « Je voudrais développer, au cours de ce dernier exposé, l’idée que voici : le fédéralisme que les fondateurs de notre nation ont appliqué, au XVIIIe siècle, à un contexte historique et politique défini, peut être étendu au XXe, à l’ensemble beaucoup plus vaste des nations libres ».
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p. 74 : « Sans doute, ce n’est pas d’aujourd’hui que beaucoup d’Américains, préoccupés par l’état du monde, ont médité sur les problèmes de la paix. Voici plus d’un siècle, vers l’année 1840, Ralph Waldo Emerson se joignit à un groupe de citoyens déjà intéressés par ces questions. Il se rendit dans le Middle West pour y rencontrer quelques esprits parents du sien, réunis discrètement pour discuter de ce que pourrait être une organisation mondiale. Après plusieurs jours d’échanges de vues, à la fois sur la définition d’un tel gouvernement et sur le lieu où il pourrait être établi, il fut décidé que la future capitale du monde devrait être Constantinople. Alors Emerson perdit patience et quitta dignement la réunion en déclarant avec le splendide dédain d’un citoyen de la Nouvelle-Angleterre : “C’est beaucoup trop loin de Concorde” [22] ».

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p. 84&85 : « Ce qui est si clairement nécessaire dans les domaines militaires et politiques, n’est pas moins urgent sur le plan économique. En Europe, l’idée du Marché Commun a été encouragée par les États-Unis depuis plus de dix ans. […]. Bien que l’Union douanière d’Amérique Latine, le G.A.T.T. et divers autres accords économiques entre les pays du monde libre aient contribué à ouvrir largement les marchés, il n’a pas encore été possible d’édifier l’organisation d’ensemble qui permettrait d’utiliser les immenses possibilités de l’esprit d’entreprise comme celles d’un catalyseur de richesse pour toutes les régions développées ou en voie de développement. […].
Nos initiatives dispersées se sont révélées incapables d’offrir aux autres pays du monde libre une chance de connaître les bienfaits du capitalisme tels que nous en jouissons aux États-Unis. Ici, le système de la libre-entreprise s’exerçant dans un cadre fédéral a permis d’obtenir le plus haut niveau de vie du monde, en même temps que la plus large répartition des revenus ».

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p. 87&88 : « De telles nations, qui ne sont pas encore capables de trouver à l’intérieur de leurs frontières les capitaux nécessaires à leur développement économique, souffrent tout particulièrement de l’absence d’une organisation politique du monde libre qui favoriserait le mouvement des investissements de pays à pays, avec l’aide technique et administrative qui les accompagne toujours. Il n’est pas douteux par ailleurs que c’est dans la mesure où des capitaux privés, d’origine nationale ou non, s’investiront dans les domaines qui leur conviennent le mieux – mines, industries, commerces et prestations de service – que les fonds gouvernementaux pourront se consacrer avec moins de parcimonie aux besoins proprement publics : barrages, routes, écoles et hôpitaux. C’est pourquoi il est si urgent de prendre les mesures appropriées pour que les vertus irremplaçables de la libre entreprise soient mises au service des besoins et des désirs des hommes à travers tout le monde libre. […]. Voici quelques-unes des raisons – d’ordre économique, militaire et politique – qui nous sollicitent de prendre de vigoureuses mesures en vue de construire un authentique ordre mondial. Elles ne militent pas moins, à mon avis, en faveur d’une initiative prochaine des États-Unis pour que tout ce qu’il y a de légitime dans les indépendances nationales trouve enfin son couronnement et son véritable sens au sein d’une organisation fédérale. »

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p. 89 à 91 : « J’ai cru longtemps que la voie de l’unité mondiale passait par la constitution de confédérations régionales, au sein de la Communauté atlantique et de l’Union Latino-Américaine, mais aussi peut-être en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie. Ces tentatives d’unité régionale progressant d’ailleurs d’un pas assuré. La Communauté économique européenne en est l’exemple par excellence. Il s’agit là de réalisations très réconfortantes et qui pourront avoir des conséquences historiques. Mais l’histoire va si vite, et les dangers que nous affrontons sont si grands, que je pense de plus en plus à la nécessité d’une union entre les régions du globe, et pas seulement à l’intérieur de ces régions, si nous voulons n’être pas gagnés de vitesse. D’ailleurs certaines de nos difficultés ne sont pas solubles hors d’un cadre institutionnel qui dépasse les simples unions régionales. […]. À la Conférence de San Francisco, en 1945, lors de la bataille qui s’engagea pour l’introduction dans la Charte de l’article 51 offrant la possibilité d’ententes régionales, j’étais de tout cœur avec ceux qui défendaient cet article. Et je n’ai pas cessé de croire à la valeur des accords régionaux conclus entre peuples indépendants. Mais je suis désormais convaincu que la marche des événements nous conduira très vite au-delà des limites où de tels accords sont profitables et va nous amener, sous une poussée inexorable, à envisager l’établissement de liens fédéraux entre les nations, partout où cela est possible, aussi éloignées les unes des autres que soient ces nations et aussi fortes qu’elles puissent paraître. En effet, il n’y a aucune raison pour que les vertus du fédéralisme soient réservées aux nations jeunes, petites ou faibles. Les plus anciennes et les plus puissantes en ont besoin tout autant. L’effondrement des vieux empires mondiaux a illustré cette nécessité d’une manière dramatique. Du mouvement des échanges que les grands ensembles actuels réaliseront entre eux aussi bien qu’avec les nations plus petites, et de la manière dont ils s’insèreront dans l’union politique du monde libre, dépendra d’une façon décisive leur propre liberté et le maintien de leur puissance. Face au danger commun et pour promouvoir nos communes aspirations, il est indispensable que nous proclamions solennellement, les uns et les autres, notre adhésion à un faisceau de principes, de traditions et de règles de droit fondés sur le respect de la personne ; que nous affirmions l’urgence d’une union militaire plus étroite pour assurer notre défense, d’une union douanière pour développer notre commerce et, enfin, d’une union politique qui viendra graduellement couronner cet ensemble. Ne croyez-vous pas que notre expérience fédéraliste peut directement s’appliquer à chacun de ces objectifs grandioses qui doivent nous mener à la communauté mondiale ? »

En 2010, près de 44 millions d’Américains vivaient sous le seuil de pauvreté... Sans doute, les « bienfaits » du libéralisme économique et les « vertus » du fédéralisme...

Nonidi 29 Pluviôse an CCXXI

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