Les élections de la députation « de l’égalité de l’épiderme ». Saint-Domingue, septembre 1793. Avec deux inédits de Sonthonax*

, par  Florence Gauthier
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Par Florence Gauthier, historienne, Université Paris 7 – Diderot.

À Laurent Dubois
Parce qu’il n’y croyait pas

L’histoire de la première abolition de l’esclavage, fruit de la rencontre entre les Révolutions de France et de Saint-Domingue en 1793-1794, était tombée dans un oubli qui a duré deux siècles, pour réapparaître, dans les années 1980 [1]. Ce fut le livre d’Yves Bénot, La Révolution française et la fin des colonies, publié à la veille du bicentenaire de la Révolution française, qui fut un véritable déclencheur de ce renouveau d’études. En effet, l’historiographie de la Révolution française se révélait particulièrement fermée à la question coloniale, à quelques bien rares exceptions [2].

Je me limiterai, ici, à raconter l’histoire de l’élection, par le nouveau peuple de Saint-Domingue, de la « députation de l’égalité de l’épiderme », en septembre 1793, récit qui permettra d’illustrer, de façon précise, ce que représente une histoire qui a connu un retard de deux siècles, retard d’autant plus difficile à combler, que le chemin de sa connaissance est déjà pavé de préjugés accumulés depuis autant de temps !

L’abolition de l’esclavage fut-elle un événement « secondaire » pour mériter un tel oubli ? À l’évidence, il s’agit d’un fait majeur, de portée mondiale. Il concerne au premier chef ce que l’on appelait, au XVIIIe siècle, la liberté du genre humain. Une portion du genre humain est-elle habilitée à en utiliser une autre pour servir à ses besognes ?

Les partisans du « oui » à cette question furent alors délégitimés par les partisans du « non ».

Au second chef, cet événement s’est accompagné d’une remise en question des rapports entre les peuples, ce que l’on désignait alors par le « droit des gens », qui considérait que chaque peuple avait droit à sa souveraineté et que ce droit était « réciproque ». Voici comment cet ami des droits des peuples que fut l’abbé Grégoire, député à la Convention, l’exprima dans son Projet de droit des gens, présenté le 18 juin 1793 :

« Les peuples sont respectivement indépendants et souverains, quel que soit le nombre d’individus qui les composent et l’étendue du territoire qu’ils occupent. Cette souveraineté est inaliénable. Un peuple doit agir à l’égard des autres comme il désire qu’on agisse à son égard. »

Cette réciprocité du droit de souveraineté impliquait la condamnation de toute conquête, colonisation ou autre forme de domination. Voici comment Robespierre, lui aussi un ami des droits des peuples, l’avait précédé dans son intervention à la Convention du 24 avril 1793 :

« Les hommes de tous les pays sont frères et les différents peuples doivent s’entraider selon leur pouvoir, comme les citoyens d’un même état.
Celui qui opprime une nation se déclare l’ennemi de toutes.
Ceux qui font la guerre à un peuple pour arrêter les progrès de la liberté et anéantir les droits de l’homme, doivent être poursuivis par tous non comme des ennemis ordinaires, mais comme des assassins et des brigands rebelles.
Les rois, les aristocrates, les tyrans quels qu’ils soient, sont des esclaves révoltés contre le souverain de la terre, qui est le genre humain, et contre le législateur de l’univers qui est la nature [3]. »

Nous voyons apparaître, ici, le cadre dans lequel l’abolition de l’esclavage s’inscrivait : la République française, en révolution, qui avait hérité du Royaume de France un empire colonial, annonçait qu’elle renonçait à poursuivre une telle politique de puissance. Le 16 pluviôse an II - 4 février 1794, la Convention montagnarde abolissait l’esclavage dans toutes les colonies françaises et s’engageait à aider la Révolution de Saint-Domingue en cours, en participant à la guerre que le parti colonial esclavagiste et ses alliés Anglais et Espagnols lui avaient déclarée.

Les enjeux de l’occultation de cette histoire sont les suivants : cette première abolition de l’esclavage, réalisée en 1793 à Saint-Domingue, puis en 1794 en France, s’inscrivait dans une expérience de décolonisation par les deux parties.

Rappelons, pour la clarté de l’exposé, que trois politiques coloniales se succédèrent dans la période qui nous intéresse.

1° Le Roi de France avait créé son Premier empire colonial depuis le XVIIe siècle jusqu’à la Révolution de 1789, qui en hérita et ce, dans le cadre d’une crise générale des colonies européennes sur l’ensemble du continent américain.

2° L’insurrection des esclaves de Saint-Domingue ouvrit un processus révolutionnaire depuis août 1791. La Convention montagnarde tenta une expérience originale de décolonisation en 1793-1794.

3° Thermidor mit fin à cette expérience et entraîna un puissant mouvement contre-révolutionnaire qui, par étapes, renoua, tout d’abord avec une politique de puissance conquérante en Europe, et coloniale hors d’Europe, clairement exprimée dans la nouvelle Constitution française de 1795. Puis, le coup d’État du général Bonaparte renversa cette Constitution, au profit du Consulat qui tenta une reconquête des anciennes colonies françaises manu militari et y rétablit l’esclavage en 1802, avant de transformer son régime en Empire, avouant clairement ses objectifs de construire un nouvel empire colonial sur les cendres de la révolution des droits de l’homme et du citoyen.

L’histoire de l’élection de la députation par le « nouveau peuple » de Saint-Domingue, en septembre 1793, nous plonge au cœur de cette expérience de décolonisation. Nous la découvrirons en trois temps.

1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits »

Le 4 juillet 1789, l’Assemblée nationale constituante élisait les six députés de la population blanche de la colonie de Saint-Domingue, à l’issue d’un débat qui avait opposé la demande des colons à Mirabeau. Les colons demandaient une représentation à l’Assemblée de dix-huit députés, arguant de la nécessité, pour eux, de représenter toute la population de la colonie qui était formée de plus de 500.000 esclaves et d’environ 80.000 « sujets libres du Roi de France » [4].

Depuis les années 1750, un parti ségrégationniste tentait d’introduire une législation séparant les « blancs » des « libres de couleur ». Le Roi de France était possesseur de ces colonies antillaises et, à ce titre, distribuait les terres en son nom, réservant les meilleures aux cadets de familles nobles et autres amis du roi. Or, ces premiers colons n’hésitèrent pas à épouser des femmes africaines et fondèrent ainsi de nombreuses familles de colons métissés.

Il existait, par ailleurs, des pratiques d’affranchissements d’esclaves. Il y avait deux types d’esclaves sur les plantations sucrières qui faisaient la richesse de la colonie de Saint-Domingue : les esclaves qui travaillaient aux champs et qui étaient des captifs récemment débarqués d’Afrique, que l’on appelait les Bossales, et des esclaves créoles nés des hasards des rencontres sexuelles entre esclaves ou entre esclaves et maîtres. Les esclaves créoles étaient en nombre réduit et vivaient dans la proximité du maître, à la différence des Bossales. Les esclaves créoles, nés et élevés sur place, recevaient une formation professionnelle, parfois sophistiquée, pour servir de cadres à la plantation : domesticité, artisanat, encadrement des Bossales.

C’était parmi ces esclaves créoles que se rencontrait l’affranchissement que le maître décernait comme une récompense. Il existait deux types d’affranchissement : la manumission qui était un acte juridique et changeait le statut de l’esclave non libre en « sujet libre du Roi de France », selon les termes de l’édit de 1685. Ce statut lui permettait de quitter la plantation et d’en faire hériter ses descendants. L’autre forme d’affranchissement créait des « libres de savane », qui n’avaient pas de titre de propriété de leur liberté et devaient rester sur la plantation du maître pour y travailler « librement ». Le libre de savane ne pouvait transmettre sa liberté sans titre à ses descendants.

Ainsi, pour le Roi de France, il n’existait que deux classes, les « libres » et les « esclaves » depuis 1685, alors que pour le parti ségrégationniste, qui était parvenu à introduire une législation ségrégationniste depuis les années 1760 à Saint-Domingue, il exista, soudain, des « blancs », des « libres de couleur » et des « esclaves », soit trois classes sociales définies par la couleur de l’épiderme. Notons que la politique royale pratiquait une politique d’assimilation dans le sens où il n’existait qu’une seule et unique catégorie juridique de « libres sujets du Roi de France », sans distinction de couleur, politique combattue par le nouveau parti des « colons blancs ».

Ainsi, lors du débat du 3 juillet 1789 à l’Assemblée constituante, Mirabeau, qui connaissait fort bien la réalité de la société coloniale, fit remarquer que les colons ne pouvaient prétendre représenter la population entière, puisqu’ils parlaient au nom des seuls « colons blancs » et que, pour ce faire, il aurait fallu une représentation des libres de couleur, discriminés par ce parti ségrégationniste, et une autre représentation des esclaves après les avoir libérés. L’Assemblée adopta la proposition de Mirabeau et n’accorda que six députés à la représentation de « la population blanche » de la colonie, clairement spécifiée [5].

Ce choix de l’Assemblée ouvrait la possibilité, pour les exclus, d’exprimer leurs revendications sur ce thème : obtenir une représentation à l’Assemblée constituante. Ce choix donnait encore sa « forme » à la future Révolution de Saint-Domingue, comme nous le verrons par la suite.

Naissance de la Société des Citoyens de couleur

Quelques jours après le vote de la Constituante et celui de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le 26 août 1789, des gens de couleur qui se trouvaient à Paris formèrent une Société pour rédiger leurs doléances, sur le modèle des États généraux et réclamer une représentation à l’assemblée. Cette Société inventa le nom de « Citoyens de couleur » qui était une remarquable trouvaille car, dans la langue du préjugé de couleur, les dénominations utilisées à leur encontre étaient des termes péjoratifs et insultants comme « mulâtre », « sang-mêlé », « libres de couleur » et tant d’autres. Le fait de se nommer Citoyens de couleur fut une création qui affirmait deux choses : que ces gens dits libres, suivi du restrictif ethniciste « de couleur », s’emparaient de la philosophie du droit naturel moderne, qui affirmait l’unité du genre humain, et revendiquaient la dignité de leur couleur, leur appartenance au genre humain et, par conséquent, les droits de l’homme et du citoyen.

Un de ces colons métisses, Julien Raimond, vint en France dans les années 1780, pour faire connaître les discriminations que ce nouveau parti ségrégationniste tentait d’imposer à Saint-Domingue et mit son expérience au service de la Société des Citoyens de couleur, dont il devint rapidement un des principaux dirigeants.

La Société des Citoyens de couleur fut reçue par la Constituante le 22 octobre 1789 et rendit publique sa demande de représentation qui, si elle était satisfaite, dévoilerait les objectifs odieux du parti ségrégationniste. Ce fut pour cette raison que le Club Massiac, qui réunissait les colons, déclencha une campagne d’une rare violence, dans le but de faire taire la Société des Citoyens de couleur. On vit, en effet, les députés gagnés à ce qui leur avait paru la juste cause de ces Citoyens de couleur le 22 octobre 1789, prendre leurs distances au fur et à mesure que la campagne du Club Massiac se déployait partout en France, pour justifier coûte que coûte la traite des captifs africains et leur mise en esclavage. Le Club Massiac utilisait tous les moyens d’intimidation et parvint à ses fins en mars 1790.

À Saint-Domingue, le parti ségrégationniste s’était empressé de prendre le pouvoir en organisant les élections d’assemblées coloniales des trois provinces, qui délègueraient certains de leurs députés pour former l’assemblée générale. Le droit de vote fut interdit aux « sang-mêlé » : la guerre des épidermes commença sous la forme de l’assassinat du juge « blanc » Ferrand de Beaudière, le 19 novembre 1789, pour avoir aidé les « sang-mêlé » à réclamer leurs droits politiques.

Cette guerre des épidermes traversait, on l’a compris, la classe des « libres sujets du Roi de France ». L’assemblée coloniale générale, réunie en avril 1790, prit des mesures ségrégationnistes, qui interdisaient aux « libres de couleur » de sortir de leur paroisse sans autorisation et de s’armer et contraignit ainsi les « gens de couleur » à prendre « le maquis » : Saint-Domingue s’enfonça dans la guerre civile de la classe des libres.

À Paris, les Citoyens de couleur comprirent que la lutte serait rude. Julien Raimond rencontra quelques révolutionnaires comme Cournand, puis Grégoire, qui le fit entrer à la Société des Amis de la Constitution dit Club des Jacobins, où il rencontra Robespierre, Pétion, Polverel, Sonthonax et bien d’autres. Raimond instruisit ces révolutionnaires des réalités coloniales et des différents partis qui s’entr’égorgeaient dans la colonie. Il recevait aussi des informations de la part de ses amis victimes de la politique ségrégationniste, sur l’état de décomposition de la classe dominante à Saint-Domingue.

La Société des Citoyens de couleur élabore le projet de la Révolution de Saint-Domingue

Ce fut ce climat qui permit aux Citoyens de couleur de progresser dans la compréhension de leur situation : l’offensive du Club Massiac fit comprendre à Raimond que le « préjugé de couleur » ne saurait être surmonté sans la suppression de l’esclavage et de la domination coloniale.

Un article du journal Les Révolutions de Paris, daté du 31 octobre 1789, soit quelques jours après la réception de la Société des Citoyens de couleur à l’Assemblée, l’exprima fort clairement :

« La philosophie appelle chaque jour les nègres à la liberté ; dès le premier mot qu’elle a prononcé en leur faveur, leur affranchissement est devenu nécessaire. C’est un fruit de l’arbre, il faut qu’il tombe dès qu’il sera mûr ; et l’on ne peut douter que l’admission d’une représentation de colons de couleur à l’Assemblée nationale n’accélérât beaucoup sa maturité.
Les nègres affranchis apprendront bientôt à leurs anciens maîtres qu’ils peuvent se gouverner eux-mêmes ; peut-être aspireront-ils à les gouverner ; cinq siècles de cruautés et de souffrances ont allumé entre les blancs et les nègres une antipathie qui rendra leur association civile extrêmement laborieuse et peut-être peu durable [6]. »

La liberté des esclaves est au centre du propos, ainsi que la possibilité de l’indépendance sous la forme d’un gouvernement des nouveaux libres. La destruction de la domination coloniale est évoquée avec force dans le constat d’une antipathie profonde entre maîtres et esclaves.

En 1790-91, la Société des citoyens de couleur commença à exprimer le projet de la Révolution de Saint-Domingue qui passait par la destruction de la société coloniale et de l’esclavage à la création d’une nouvelle société, en Amérique, fondée sur une réappropriation des droits de l’homme et du citoyen pour construire cette nécessaire « égalité de l’épiderme ».

Ce fut ainsi que la figure de Jeanne Odo fut créée, avec l’aide de la philosophie du droit naturel moderne, repensée dans le cadre de la société coloniale. Jeanne Odo était née dans l’esclavage, elle venait de Port-au-Prince et était âgée de 114 ans. Elle devint la figure de l’Humanité des Africains, cette appartenance au genre humain que la société coloniale esclavagiste leur refusait, et elle était placée en tête de toutes les manifestations de la Société des Citoyens de couleur depuis mai 1791 [7].

Le « drapeau de l’égalité de l’épiderme », qui apparaît en 1793, fut lui aussi inventé par les Citoyens de couleur : il était tricolore avec, sur la couleur bleue un homme noir debout, sur la couleur blanche un homme blanc, sur la couleur rouge un métisse, chacun portant un bonnet de la liberté et armé d’une pique. En bas du drapeau était écrite la devise « L’union fera notre force ». Ce drapeau exprimait l’alliance avec la Révolution française, par la reprise du tricolore, mais spécifié dans l’affirmation de l’égalité de l’épiderme comme projet de société, qui était bien le problème à résoudre dans ces sociétés à esclaves.

Cette symbolique révolutionnaire nous apprend que, de 1789 à 1793, la Société des Citoyens de couleur avait inclus, depuis les textes de Julien Raimond de novembre 1789, les « libres de couleur » ET les esclaves dans son projet de révolution de l’égalité de l’épiderme pour les colonies d’Amérique.

Entre la Société des Citoyens de couleur et des révolutionnaires français, de riches échanges s’étaient produits. En voici quelques exemples.

Le 25 septembre 1790, le journal Les Révolutions de Paris publiait un article de Félicité Sonthonax, membre des Amis de la Constitution et futur commissaire civil à Saint-Domingue où il participa activement à l’abolition de l’esclavage :

« Quant à la traite et à l’esclavage des nègres, les gouvernements de l’Europe auront beau résister aux cris de la philosophie, aux principes de liberté universelle qui germent et se propagent parmi les nations. Qu’ils apprennent que cela n’est pas en vain que l’on montre la vérité aux peuples… Oui, nous osons le prédire avec confiance, un temps viendra, et le jour n’est pas loin, où l’on verra un Africain à tête crépue, et sans autre recommandation que son bon sens et ses vertus, venir participer à la législation dans le sein de nos assemblées nationales [8]. »

Nous verrons que Sonthonax aura la chance de réaliser ce qu’il exprimait, à cette date, comme un souhait !

L’Assemblée constituante avait mené une politique coloniale particulièrement rétrograde en choisissant de soutenir le parti ségrégationniste. Le 13 mai 1791, elle vota la constitutionnalisation de l’esclavage dans les colonies, afin de rassurer les colons sur leur droit de propriété étendu à des personnes. Elle vota encore, le 24 septembre suivant, en faveur de l’exclusion des « libres de couleur » des droits civiques, mise en pratique à Saint-Domingue par les assemblées coloniales. Elle avait ainsi rompu avec la politique assimilationniste de l’ancien régime qui n’établissait pas de hiérarchie entre les libres, quelle que soit leur couleur, et avait aussi tranché en faveur de l’introduction du « préjugé de couleur » dans le droit colonial.

Mais, cette politique, à peine votée, vola en éclats lorsqu’on apprit, avec deux mois de retard, qu’une insurrection d’esclaves avait commencé dans la province du Nord, dans la nuit du 22 au 23 août 1791.

Les esclaves avaient intelligemment profité de l’état de décomposition de la classe dominante, en proie à sa guerre des épidermes, ce qui lui avait fait perdre les moyens de maintenir l’ordre colonial esclavagiste.

L’Assemblée constituante acheva ses travaux en octobre 1791 et fut remplacée par la Législative, élue au suffrage censitaire. Un nouveau débat sur les colonies aboutit au rétablissement de la politique assimilationniste d’ancien régime. Le 4 avril 1792, un décret restituait les droits de l’homme et du citoyen aux « libres de couleur », en créant les « Citoyens du 4 avril ». Une Commission civile formée de trois personnes fut envoyée à Saint-Domingue appliquer cette nouvelle orientation, qui incluait les « Citoyens du 4 avril » dans le corps électoral pour la réélection des assemblées coloniales et la répression des insurrections d’esclaves.

Polverel, Sonthonax et Ailhaud furent choisis pour cette mission et quittèrent la France quelques jours avant la Révolution du 10 août 1792 qui renversait la Constitution de 1791, établissait la Première République en France et le suffrage universel et convoquait la Convention, nouvelle constituante.

Le 7 septembre 1792, Julien Raimond à la tête d’une délégation de Citoyens de couleur, était reçu à l’Assemblée et lui demanda de former une légion de soldats de couleur, dans le but d’aider la Révolution française à se défendre. La proposition fut acceptée et la Légion des Américains fut créée le 6 décembre suivant. Le chevalier de Saint-George (sic), citoyen de couleur, musicien de talent et militaire, en devint un des officiers.

Au lendemain de la Révolution des 31 mai-2 juin 1793, le 4 juin, la Société des Citoyens de couleur, Jeanne Odo en tête, fut reçue par la Convention et lui demanda d’abolir l’esclavage dans toutes les colonies françaises :

« Ainsi un décret confirmatif, à l’appui de ceux déjà rendus, fera rentrer tout dans une égalité utile et indispensable ; à quoi nous concluons que la présente soit rédigée en motion par votre comité de législation, et sur icelle rendu un décret qui déclare libre tout habitant des colonies françaises soumises à la république, et sous la protection de ses lois, ainsi que ceux qui s’en seraient absentés, et qui y resteront ; enfin que l’esclavage est aboli pour tous les Nègres des colonies françaises (…)
Par ce moyen, vous vous couvrirez d’une gloire immortelle et vous ramènerez la paix et la prospérité dans les colonies qui vous envoient déjà leurs bénédictions [9]. »

Notons que ce sera dans des formes proches de celles que proposaient les Citoyens de couleur que l’abolition se fera huit mois plus tard, ce qui nous indique que les thèmes et les mots d’ordre de la Révolution de Saint-Domingue circulaient entre les deux rives de l’Atlantique.

La Révolution de Saint-Domingue abolit l’esclavage

Les Commissaires civils atteignirent Saint-Domingue en septembre 1792. Ils rencontrèrent l’hostilité du parti ségrégationniste au pouvoir, qui refusait de reconnaître les droits des « Citoyens du 4 avril ». Ils formèrent alors une Commission intermédiaire, pour remplacer les assemblées coloniales ségrégationnistes, et créèrent une Légion de l’égalité formée de libres de toutes les couleurs.

Cependant, la politique coloniale menée par la Convention girondine n’aidait pas les Commissaires civils, bien au contraire. Alors que les Commissaires écrivaient à la Convention girondine de décréter d’urgence l’abolition de l’esclavage, celle-ci déclarait la guerre à la Grande-Bretagne le 1er février 1793 et à l’Espagne le 7 mars suivant. Elle nommait encore un nouveau gouverneur pour Saint-Domingue, Galbaud.

Il faut préciser que l’Espagne partageait l’Ile de Saint-Domingue et disposait de troupes armées sur place, tandis que l’Angleterre, dans sa colonie de la Jamaïque toute voisine, était disposée à intervenir contre la Révolution de Saint-Domingue. De plus, depuis janvier 1793, des colons de Saint-Domingue négociaient, avec le gouvernement britannique, une occupation militaire de Saint-Domingue, afin d’empêcher une abolition de l’esclavage que l’on sentait imminente.

« L’affaire Galbaud », 21-24 juin 1793

Le nouveau gouverneur, Galbaud, envoyé par la Convention girondine, atteignit le Cap le 7 mai 1793 et prit le parti des colons esclavagistes contre les Commissaires civils. La rébellion de Galbaud commença le 21 juin, Polverel et Sonthonax avaient très peu de forces armées et firent appel aux esclaves insurgés dans les mornes environnants, créant les « Citoyens du 21 juin ». Ce furent ces forces nouvelles qui écrasèrent Galbaud, l’obligeant à s’enfuir le 24 juin, avec la marine française : près de 10 000 colons suivirent dans les semaines qui suivirent. Voici le témoignage de Dufaÿ, futur député de Saint-Domingue comme on le verra plus loin, de la situation au Cap entre le 21 et le 24 juin, qu’il exposa à la Convention le 16 pluviôse an II - 4 février 1794 :

« En ce moment, un grand nombre de Nègres de la ville, domestiques ou ouvriers, indignés de voir vos délégués chassés de la ville et forcés à fuir et d’un autre côté de voir les citoyens du 4 avril qu’ils regardaient comme leurs amis, prêts à tomber sous les coups de Galbaud, après avoir déjà perdu un grand nombre d’entre eux, vinrent offrir de se joindre à eux pour repousser leurs ennemis.
Les Nègres de la plaine et des montagnes voisines ayant été instruits des événements du Cap et qu’on y massacrait les Citoyens du 4 avril, étaient accourus aussi de toutes parts à leur secours. Avec ce renfort, les Citoyens du 4 avril marchèrent avec un nouveau courage contre Galbaud, le mirent en fuite le premier de tous, et le forcèrent de se rembarquer avec une partie de sa troupe. (…)
Les esclaves qui étaient en insurrection depuis deux ans (…) se présentèrent en armes devant vos délégués (il s’agit des Commissaires civils). ‘’Nous sommes Nègres français, leur dirent-ils, nous allons combattre pour la France, mais pour récompense nous demandons la liberté.’’ Ils ajoutèrent même : les Droits de l’homme [10]. »

Le « nouveau peuple », qui venait de prendre la ville du Cap et avait véritablement surgi à l’occasion de ces révoltes et insurrections, était maintenant composé des résistants au parti colonial esclavagiste conduit par Galbaud, qu’ils venaient de battre militairement. Nous avons pu lire dans ce témoignage de Dufaÿ l’union qui se réalisa entre les esclaves insurgés dans les mornes voisins, les esclaves de la ville du Cap et des campagnes environnantes, les Commissaires civils, les Citoyens du 4 avril, les Citoyens du 21 juin et leurs familles.

Le 11 juillet, les Commissaires civils élargirent la proclamation de la liberté du 21 juin aux femmes et aux enfants des bénéficiaires et annoncèrent que la liberté générale était urgente.

La municipalité du Cap fut renouvelée provisoirement le 17 juillet et Richebourg [11], devenu procureur-syndic, assembla ce peuple pour débattre des modalités concrètes de sa constitution. En effet, il ne suffisait pas de « déclarer » la liberté générale, encore fallait-il, selon Richebourg entre autres, élaborer les formes d’un nouveau contrat social et les moyens d’assurer l’existence de ce peuple nouveau, qui venait de naître à la vie sociale et politique.

Le « nouveau peuple » proclame la liberté générale

Les 24 et 25 août 1793, la Commune du Cap votait la liberté générale des Africains et de leurs descendants et porta l’acte dressé au Commissaire Sonthonax. Ce dernier demanda quelques jours pour rédiger une proclamation et convoqua une fête pour le 29 août.

Voici deux témoignages qui nous informent sur cette assemblée de la Commune du Cap. Le premier est de Sonthonax lui-même, qui, dans une lettre à Polverel datée du 25 août, précise :

« Enfin la commune s’est réunie aujourd’hui ; elle a rédigé une pétition dont Vergniaud a été l’organe ; la majorité a décidé que je serai invité à proclamer la liberté de tous les individus. J’ai loué la commune du Cap de sa démarche philanthropique ; j’ai parlé au peuple assemblé au nombre de plus de dix mille, je lui ai annoncé que je cédais à ses instances et encore plus au vœu de mon cœur, et que dans quatre jours, je ferai la proclamation qui devait changer le régime des ateliers. Je tiendrai parole et je vous la ferai passer sitôt qu’elle sera imprimée [12]. »

Un autre témoignage de Jacques Garnier, daté du 7 novembre 1794, précise de son côté :

« Ils (les esclaves) étaient devenus les défenseurs du sol de la liberté : il fallait enfin les rendre à leurs droits naturels. La Commune du Cap français s’assembla le 24 août 1793. Les hommes libres qui la formaient, le bonnet de la liberté au milieu d’eux, eurent l’honneur de voter les premiers à l’unanimité pour la liberté générale des Africains et descendants qui se trouvaient sur le sol de la province du Nord. L’acte fut dressé et porté pour sa sanction provisoire au milieu des cris de Vive la République française, répétés par quinze mille âmes au commissaire Sonthonax, qui reçut l’adresse de la commune comme l’expression de la justice et de l’humanité, qui appelaient à grands cris depuis deux siècles l’abolition de l’esclavage [13]. »

Nous apprenons que ces réunions de la Commune du Cap attiraient de dix à quinze mille personnes, selon ces deux témoignages. Après la victoire militaire contre Galbaud et la fuite d’un nombre important de colons, il apparaît que la ville du Cap est restée investie par un nombre impressionnant d’esclaves insurgés venus des mornes voisins comme de la ville elle-même, et participèrent aux débats sur la liberté générale depuis le 24 juin, ouverts par la nouvelle municipalité.

Un grand nombre de faits restent encore dans l’ombre que, seul, le dépouillement des archives permettra d’éclaircir.

Le 29 août donc, Sonthonax rendait publiques la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la proclamation de la liberté générale. Voici les deux premiers articles :

« Art. 1. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen sera imprimée, publiée, affichée partout où besoin sera, à la diligence des municipalités, dans les villes et les bourgs, et des commandants militaires dans les camps et postes.
Art. 2. Tous les nègres et sang-mêlé, actuellement dans l’esclavage, sont déclarés libres pour jouir de tous les droits attachés à la qualité de citoyen français [14]. »

Les deux textes furent publiés en français et en créole. Voici l’article premier de la déclaration : « Toute monde vini dans le monde pour io rétés libes & égal entre io… ». « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».

Il s’agit bien du texte de la Déclaration des droits de 1789, dont les Commissaires civils avaient emporté le texte, mais qui n’avait pas été appliquée à cause du refus du parti colonial. Ce dernier avait, en effet, obtenu de l’Assemblée constituante une constitution « spécifique » aux colonies, à cause de l’esclavage et parce que la Déclaration des droits était considérée par eux comme « la terreur des colonies » et refusée.

Les élections faites par le « nouveau peuple » de Saint-Domingue

Dans la foulée de l’abolition de l’esclavage, Sonthonax prit la décision de convoquer les assemblées primaires des nouveaux citoyens des 21 juin et 29 août, réunis aux anciens du 4 avril et de 1789, afin de procéder dans un premier temps aux élections de la municipalité du Cap et dans un second temps à celles de députés à la Convention, qui partiraient pour la France.

Les élections municipales au Cap, 1er septembre 1793

Nous apprenons le résultat de ces premières élections par une lettre de Sonthonax à Polverel, datée du 3 septembre 1793 :

« En attendant je m’occupe à organiser Constitutionnellement la province du Nord. Le 1er de ce mois la Commune s’est réunie par mes ordres, pour procéder à la Nomination d’un Maire, de huit officiers municipaux, Seize Notables, et un Procureur Syndic. Le Nègre Fleury a été nommé Maire, Richebourg procureur de la commune. Je vais m’occuper de convoquer des Assemblées primaires pour parvenir à la nomination des Députés à la Convention ; comme il nous est impossible d’avoir de sitôt des recensements exacts, je pense que les dix-huit Députés que Saint-Domingue doit avoir peuvent être répartis en nombre égal dans chaque Province. Celle du Nord en enverra donc Six [15]. »

Le 1er septembre, les assemblées primaires des citoyens de la Commune du Cap ayant été convoqués, Fleury fut élu maire. Il avait été nommé au bureau de la Municipalité du Cap le 17 juillet précédent, après la dissolution de l’ancienne municipalité favorable à Galbaud. Pour le moment, nous n’en connaissons guère plus à son sujet que ce qu’en dit la lettre de Sonthonax. Fleury était un de ces nouveaux citoyens, nés de l’affrontement décisif entre le « nouveau peuple de Saint-Domingue » et le parti esclavagiste dirigé par Galbaud. Le procureur élu était ce Richebourg que nous avons déjà rencontré, lui aussi depuis le renouvellement provisoire de la municipalité du Cap, le 17 juillet. Nous ne connaissons pas encore tous les noms des huit officiers et des seize notables, également élus.

Nous pouvons toutefois affirmer que Sonthonax a voulu mettre immédiatement en pratique les droits que les citoyens du Cap venaient d’obtenir par la déclaration de la liberté générale, fait qui n’a encore jamais été pris en compte par l’historiographie.

La lettre de Sonthonax à Polverel nous apprend également les préparatifs en vue des élections d’une députation formée de six députés pour la Province du Nord.

Les élections des députés de Saint-Domingue, 24 septembre 1793

Sonthonax souhaitait que cette députation aille siéger à la Convention pour porter la nouvelle de l’abolition de l’esclavage et des progrès entrepris en faveur de l’égalité de l’épiderme à Saint-Domingue et aussi dans l’espoir d’obtenir des secours car, dans cette période de guerre généralisée des deux côtés de l’Atlantique, contre la République française et contre la Révolution de Saint-Domingue, il n’existait plus de liaisons officielles. Les Commissaires civils étaient bien conscients des menaces qui planaient sur les avancées des droits de l’homme et du citoyen qui venaient d’être réalisées et, en effet, le 3 septembre, Venault de Charmilly, un des dirigeants de la contre-révolution coloniale, négociait avec Williamson, le gouverneur de la Jamaïque, un débarquement de la marine britannique à Saint-Domingue.

Le 12 septembre, Sonthonax annonça par voie d’affiche, la convocation des assemblées primaires pour les élections de la députation. Il souligne à deux reprises l’urgence, pour ce nouveau peuple, d’exercer ses droits politiques :

« Considérant que les Africains de la province du Nord ne sauraient donner à la République française une plus grande preuve de dévouement et de soumission, qu’en s’empressant d’envoyer à la Convention des députés qui puissent concourir, avec l’universalité des représentants du peuple, à la législation des colonies,
Considérant que le plus bel usage qu’ils puissent faire de leur liberté est de se montrer dignes du bienfait qu’ils ont reçu, en se hâtant de jouir de l’exercice de leurs droits politiques [16]. »

Sonthonax prit soin d’organiser ces élections conformément à la loi du 22 août 1792 qui, rappelons-le, fut prise par l’Assemblée législative encore en place dans les jours qui suivirent la Révolution du 10 août 1792 en France. L’Assemblée supprima les articles concernant les colonies qui, pour le dire rapidement, avaient ménagé une législation « spécifique » constitutionnalisant l’esclavage, le préjugé de couleur et l’absence de députés des colonies dans le corps législatif français. Les colons eux-mêmes tenaient à se soustraire au corps législatif français, afin de préserver leur « spécificité » esclavagiste et ségrégationniste que l’esprit de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen rendait pour le moins contradictoire. L’Assemblée législative rédigea donc une nouvelle loi.

Sonthonax tenait à ce que les élections des députés de la Révolution de Saint-Domingue se fassent dans des conditions légales. La loi en question prévoyait le nombre de députés que chaque colonie enverrait : Saint-Domingue élirait dix-huit députés et neuf suppléants. Dans la lettre à Polverel citée plus haut, Sonthonax prenait la décision de répartir ce nombre entre les trois provinces, à raison de six chacune. Voici comment la loi du 22 août 1792 prévoyait ces élections :

« Article 7. Immédiatement après la publication du présent acte, tous les citoyens libres, de quelque état, condition ou couleur qu’ils soient, domiciliés depuis un an dans la colonie, à l’exception de ceux qui sont en état de domesticité, se réuniront pour procéder à l’élection des députés qui doivent former une Convention nationale [17]. »

Cette loi organisait les élections à deux degrés, selon le système mis en place pour les États généraux de 1789, à savoir : des assemblées primaires de communes réunissaient les citoyens qui élisaient au suffrage universel des « électeurs ». Ces électeurs se réunissaient ensuite pour élire les députés.

Dans le cas de la Province du Nord en septembre 1793, Sonthonax avait précisé dans cette même lettre à Polverel du 3 septembre, citée plus haut, « comme il nous est impossible d’avoir de sitôt des recensements exacts », six députés et trois suppléants seraient élus. Les assemblées primaires des anciennes paroisses, devenues communes, se réunirent pour élire les électeurs :

« Article 3. La ville du Cap avec sa banlieue nommera douze électeurs ; le Fort-Dauphin et le Port-de-Paix en auront chacun deux ; les autres assemblées de commune en nommeront chacune un [18]. »

Notons que le Môle-Saint-Nicolas et Bombarde, en rébellion armée contre la politique d’abolition de l’esclavage, ne participèrent pas aux élections.

Qui votait ? Les anciens et nouveaux citoyens du 4 avril, du 21 juin et du 29 août, réunis dans les assemblées primaires de commune. Nous avons pu lire que la loi du 22 août excluait du vote les « domestiques ». Fut-ce le cas dans la Province du Nord ? Sonthonax précisait qu’il ne disposait pas de « recensements exacts ». Nous ne disposons d’aucun procès-verbal de ces assemblées primaires, mais on peut avancer l’hypothèse selon laquelle cette clause a peu de chances d’avoir été appliquée, les autorités n’ayant pas tenu à le faire et n’ayant pas davantage les moyens de le faire.

Le 19 septembre, la marine britannique réussissait un débarquement dans les paroisses alors contre-révolutionnaires de Jérémie, dans la Province du Sud, et le 21 du Môle-Saint-Nicolas, dans la Province du Nord.

Toutefois, le 23 septembre [19], les électeurs furent bien convoqués au Cap et l’élection des députés ne fut pas empêchée. L’assemblée électorale eut lieu dans la maison dite du Gouvernement, où la municipalité tenait ses séances, et élit un bureau de vérification des pouvoirs des électeurs, puis décida de procéder aux élections le lendemain matin. Le 24 septembre, les pouvoirs des électeurs ayant été vérifiés, les citoyens Rouge président, Alexandre Bourgeois secrétaire, Mainvielle, Fleury et Richebourg scrutateurs, formèrent le nouveau bureau pour procéder à l’élection. Après quoi les électeurs ont procédé à l’élection, au scrutin individuel et à la pluralité des voix, des députés suivant le principe de l’égalité de l’épiderme qui prévoyait deux noirs, deux blancs et deux métisses. Furent élus : Jean-Baptiste Mars-Belley qui obtint le plus de voix, puis, Louis Dufaÿ, Joseph Boisson, Pierre Garnot, Jean-Baptiste Mills, Réchin et trois suppléants, Étienne Laforest, Marc Chavannes et Richebourg. Étaient présents Belley, Dufaÿ, Garnot, Mills et Richebourg.

J-B. Belley en costume de député, magnifique portrait par Girodet, 1794, Musée de Versailles

Jean-Baptiste Mars Belley, né à Gorée au Sénégal en 1747, arriva enfant à Saint-Domingue où il devint esclave. Il fut affranchi en se rachetant lui-même et entra dans l’armée royale où il combattit, pendant la Guerre d’Amérique, dans le régiment d’Estaing en 1777 et se fit remarquer comme un brillant soldat. De retour à Saint-Domingue il habitait le Cap. Le 21 juin, il fut nommé capitaine au 16e Régiment d’infanterie et joua un rôle de premier plan dans la résistance contre Galbaud.

Réchin était un insurgé de Port-de-Paix qui, lui aussi, rallia les Commissaires civils dans la lutte contre Galbaud. Citoyen du 21 juin, il créa une Compagnie de guerriers à Port-de-Paix. Joseph Boisson, né au Cap en 1776, était lui aussi un citoyen du 21 juin [20].

Étienne Laforest, né en 1744 près du Cap, était un citoyen du 4 avril, propriétaire d’une cafèterie, qui rallia le parti des Commissaires civils lors de l’affaire Galbaud. Il remplaça finalement Réchin qui, bloqué au Cap par la flotte anglaise ne put quitter Saint-Domingue pour aller en France.

Jean-Baptiste Mills était né en 1749 au Cap, citoyen du 4 avril lui aussi, il prit part aux combats contre Galbaud et fut nommé huissier de l’amirauté du Cap en juillet 1793.

Pierre Garnot était né en 1757 en France. Juriste, il partit pour Saint-Domingue en 1782 où il devint greffier de l’amirauté du Cap.

Pierre Louis Dufaÿ, né en 1753 à Paris, s’engagea comme chasseur dans le régiment d’Estaing pour faire la Guerre d’Amérique. Revenu à Saint-Domingue, il s’y maria, retourna en France où on le rencontre aux Amis de la Constitution en 1790-91. Il repartit à Saint-Domingue où il devint inspecteur des frontières franco-espagnoles et joua un rôle de premier plan, lui aussi, dans la résistance à Galbaud [21].

Au moment de l’élection de cette députation, il n’y avait plus de navires en état de partir pour la France et Sonthonax trouva un soutien efficace en la personne de Genet, ministre plénipotentiaire de la République française près les Etats-Unis. Nous publions ici deux lettres inédites de Sonthonax à Genet, qui éclairent les événements récents que nous venons de relater et qui furent portées à leur destinataire par la députation elle-même. Dans la lettre du 6 septembre, Sonthonax fait état de la trahison de Galbaud, qui a entraîné avec lui la marine française de Saint-Domingue, et de sa décision d’abolir l’esclavage. Dans la seconde lettre, Sonthonax confie à Genet le soin d’envoyer la députation en France.

Le 6 novembre 1793, une partie de la députation formée de Belley, Mills, Dufaÿ et Garnot, atteignait les États-Unis, avec les papiers officiels de son élection et divers courriers des Commissaires civils aux autorités françaises. Malgré un voyage et une arrivée mouvementés, à cause des menaces des colons contre-révolutionnaires qui avaient émigré, la députation parvint à rejoindre Genet qui s’occupa de la protéger et d’organiser son voyage vers la France. Par prudence, elle décida de se diviser pour être renouvelée au cas où elle disparaîtrait. Belley, Mills et Dufaÿ s’embarquèrent dans un premier temps et atteignirent la France vers la mi-janvier 1794. Toujours sous la menace du parti colonial, ils parvinrent néanmoins à lui échapper et réussirent leur entrée à la Convention le 15 pluviôse an II - 3 février 1794 pour préparer la séance du lendemain où la Convention abolit l’esclavage dans toutes les colonies françaises [22].

En décidant l’élection de la députation de l’égalité de l’épiderme, Sonthonax réalisait le souhait qu’il avait exprimé dans l’article des Révolutions de Paris du 25 septembre 1790, cité plus haut. Le hasard avait fait que la députation de Saint-Domingue avait été élue le 24 septembre 1793, trois ans plus tard presque jour pour jour. À Paris, la députation joua un rôle décisif dans l’abolition de l’esclavage votée par la Convention montagnarde le 16 pluviôse an II - 4 février 1794.

La Convention abolit l’esclavage, 4 février 1794, Musée Carnavalet, esquisse attribuée à Thévenin. On peut voir Jeanne Odo, image de l’humanité des Africains à la gauche du président.

Conclusion : éléments d’un débat historiographique

L’intérêt de ces évènements saute aux yeux et pourtant, les silences de l’historiographie sur l’exercice des droits politiques des nouveaux citoyens de Saint-Domingue peuvent paraître bien étranges. Parmi les rares historiens qui ont noté l’élection de la députation de Saint-Domingue, deux à ma connaissance, se sont posé la question : qui exerçait le droit de vote ?

Blanche Maurel qui, en 1944, évoque l’élection de cette députation par les nouveaux libres. Elle conteste la validité de ces élections convoquées par Sonthonax le 12 septembre 1793 et leur résultat ainsi :

« Un tel texte (la convocation de Sonthonax) se passe de commentaires. On ne saurait dire avec plus de précision que les élections étaient organisées pour les seuls “nouveaux libres”, esclaves de la veille – le décret d’émancipation pris par Sonthonax datait du 29 août – qu’eux seuls devaient voter et qu’aucune opposition ne serait tolérée. On comprend (…) l’acharnement des colons à contester la validité de tels scrutins. »

Cette interprétation des faits par B. Maurel est surprenante, car les archives que j’ai citées plus haut précisent qu’il s’agit d’une convocation de tous les citoyens du Cap, anciens et nouveaux, ainsi que d’une élection de députés des trois couleurs de l’épiderme dans la colonie, les noirs, les métisses et les blancs, dans le but précis d’envoyer en France une députation de l’égalité de l’épiderme, expression vivante de l’objectif central de la Révolution de Saint-Domingue dans sa conquête de l’égalité en droits. L’argument de B. Maurel est donc erroné, mais présente l’intérêt de reconnaître que les nouveaux libres depuis la proclamation de la liberté générale du 29 août 1793, ont effectivement participé aux élections.

Par ailleurs, que les « colons aient contesté la validité de tels scrutins » n’a rien d’étonnant, puisque cette révolution de l’égalité de l’épiderme avait l’objectif de se libérer du système colonial, esclavagiste et ségrégationniste qu’ils défendaient. Toutefois, depuis l’échec de Galbaud, les colons, ayant compris leur défaite, se trouvaient au moment de ces élections en train de quitter massivement la colonie.

Un premier article que j’ai publié en 1994, au sujet de l’exercice du droit de vote par les nouveaux citoyens en août-septembre 1793, a été mis en doute par Laurent Dubois en 1998, considérant que je n’avais pas fourni de preuves suffisantes et interprète les faits ainsi :

« Le 24 août, quinze mille Blancs réunis au Cap votaient –unanimement selon le compte-rendu de Jacques Garnier, un administrateur local- l’émancipation des esclaves de la Province du Nord [23]. »

Si l’on comprend bien, L. Dubois interprète cette proclamation comme émanant d’une Commune du Cap formé de quinze mille Blancs, ce qui est en contradiction complète avec les sources que j’ai citées de Sonthonax et qui prouvent l’inverse.

On peut se reporter juste un peu plus haut au texte cité de J. Garnier et constater que là où Garnier précise que la Commune du Cap a réuni d’abord « les hommes libres », Dubois y voit des « Blancs », alors qu’il s’agit des anciens libres, ceux du 4 avril, ceux du 21 juin et ceux du 11 juillet, ce qui fait déjà tout un monde de toutes les couleurs de la colonie, puis, le 29 août, la proclamation de la liberté générale a été présentée à une foule formée d’hommes de femmes et d’enfants, estimée à « 15.000 âmes » selon Garnier.

Par ailleurs, L. Dubois refuse que la députation de Saint-Domingue ait été élue : « Gauthier prétend que des esclaves fraichement libérés participèrent à l’élection. Ce fut peut-être le cas, mais le compte-rendu de l’assemblée électorale n’en apporte aucune preuve [24] ». Or, le procès-verbal, cité ici à plusieurs reprises et publié depuis 1962 dans les Archives Parlementaires, fournit la preuve que, non seulement les nouveaux citoyens du 29 août ont participé à cette élection, mais aussi ceux de 1789, du 4 avril, du 21 juin et du 11 juillet.

Ce colloque sur les élections m’a offert l’occasion de le repréciser, avec une série de preuves qui, je l’espère cette fois, permettront de lever les doutes de Laurent Dubois, que je remercie pour m’avoir permis de faire connaître ces précisions plus largement.


Deux lettres inédites de Sonthonax à Genet [25]


1


« Au Cap, le 6 7bre 1793, l’an 2 de la république
Le Commissaire civil de la République française à
Genet, ministre plénipotentiaire de la république française
près les États unis d’Amérique

La défection de la Marine est complète. Le vaisseau l’America, les frégates l’Astrée et l’Inconstante, l’aviso l’Expédition ont pris la même route que Galbaud, ils sont sans doute actuellement dans vos ports. Les bâtiments anglais croisent sur nos côtes, notre cabotage est intercepté. Les fugitifs de St Domingue deviennent la proie des corsaires ennemis et tout serait ici désespéré pour les Européens sans notre inébranlable fermeté.

Le seul parti à prendre dans des circonstances aussi difficiles était de donner un grand exemple de justice. Je l’ai fait en proclamant les droits de l’homme dans la province du Nord. J’attends de grands effets de cette mesure ; et d’ailleurs quels que soient les événements futurs on ne pourra pas me refuser la gloire d’avoir fait tourner au profit de l’humanité une catastrophe dont je n’ai pas été la cause.

Vous pouvez disposer de la Marine en désertion, ainsy que cela peut convenir le mieux aux intérêts de la République. Nous ne la réclamons pas, elle nous a fait trop de mal, elle ne peut plus nous servir. La Convention nationale doit faire une grande justice des chefs qui ont indignement trahi sa cause et ses principes.

Signé Sonthonax.

PS. J’attends impatiemment des nouvelles de l’élargissement de Polverel [26]. Ci-joint trente exemplaires de ma proclamation du 29 aoust.

2


Le Cap 28 7bre 1793, l’an 2 de la République
Le Commissaire Civil de la République à Saint-Domingue
Au Ministre plénipotentiaire de la République française
près les États unis d’Amérique

Au milieu des désastres dont l’infâme Galbaud a couvert la malheureuse province du Nord, elle a crû devoir songer à donner à la Métropole une dernière preuve de son attachement, en nommant des députés pour se réunir à la Convention nationale. Le Peuple nouveau à qui j’ai osé faire reprendre son rang dans l’espèce humaine, s’est assemblé. Partout les nouveaux citoyens ont joui avec la plus grande modération de l’exercice de leurs droits politiques ; les Électeurs étaient mêlés en toutes les couleurs et le résultat de la dernière nomination a été le même : deux blancs, deux sang mêlés et deux noirs ont été choisis députés, ce sont les citoyens Dufaÿ, Garnot, Rechin, Mills, Mars Belley et Joseph Boisson (Joseph Boisson était esclave avant le 20 juin).

Je vous adresse avec confiance ces Élus du Peuple, je vous prie de leur prêter tout secours et assistance, en leur procurant un prompt embarquement pour l’Europe, car il est tems que nôtre Commune Patrie soit réveillée de sa léthargie profonde par rapport à ses colonies.

Signé Sonthonax »


Chronologie : abolition de l’esclavage et élections de la députation de Saint-Domingue

1793

janvier-février : des colons recrutent une armée pour aider un débarquement britannique à St-Domingue afin d’y maintenir l’esclavage.

6 fév : Monge, ministre de la marine, nomme Galbaud gouverneur de St-Domingue.

7 mai : Galbaud arrive au Cap et proclame qu’il y maintiendra l’esclavage.

9 juin : arrivée au Cap des Commissaires civils, Polverel et Sonthonax, vainqueurs à Port-au-Prince d’une révolte de colons contre-révolutionnaires.

12 juin : les Commissaires destituent Galbaud pour refus d’obéissance au pouvoir civil.

20 juin : rébellion armée de Galbaud contre les Commissaires défendus par la Légion de l’égalité et 800 esclaves volontaires armés pour la circonstance.

21 juin : les prisons sont ouvertes, des esclaves libérés, des Citoyens du 4 avril appellent les esclaves à l’aide et inspirent la proclamation des Commissaires repliés au Haut-du-Cap : liberté aux esclaves de la ville et des environs qui viennent se battre.

22-23 juin : la défense confiée à Martial Besse. Pierrot et Macaya, deux chefs esclaves insurgés se rallient.

24 juin : Galbaud, battu, quitte le Cap avec la marine, suivi par près de 10 000 colons.

11 juil : les Commissaires élargissent la proclamation de la liberté du 21 juin aux femmes et aux enfants des bénéficiaires et annoncent que la liberté générale est urgente.

14 juil : fête au Cap réussie, mais pas aux Cayes où des « blancs » attaquent des Citoyens du 4 avril.

17 juil : La municipalité du Cap est réorganisée provisoirement.

29 juil : Polverel quitte le Cap pour Port-au-Prince.

24-25 août : pétition de la municipalité du Cap en faveur de la liberté générale.

29 août : fête au Cap, Sonthonax proclame l’esclavage aboli dans la province du Nord.

1er sept : élections municipales au Cap : Fleury, nouveau citoyen, élu maire.

3 sept : les colons signent une « capitulation » avec le gouverneur de la Jamaïque, pour préparer un débarquement britannique.

12 sep : Sonthonax convoque les assemblées primaires pour élire les députés à la Convention.

19-21 sept : la marine anglaise débarque à Jérémie et au Môle St-Nicolas.

21-27 sept : Polverel proclame la liberté générale dans les provinces de l’Ouest et du Sud.

23-24 sept : réunion de l’assemblée électorale de la province du Cap, élections de la députation.

28 sept : Sonthonax annonce à Genet l’élection de la députation et son arrivée aux Etats-Unis.

Oct-déc : les colons de St-Marc, Léogane, Tiburon, Mirbalais se livrent aux Anglais.

6 nov : arrivée de la députation à Philadelphie.

Déc : départ de Bellay, Mills, Dufaÿ de New York pour France.

1794

Nivôse-janv : arrivée de la députation à Lorient, accueillie par Prieur de la Marne.

4 pluviôse-23 janv : arrivée des députés à Paris.

5 pluviôse-24 janv : les députés reçus par le Comité de salut public.

6 pluv-25 janv : ordre d’arrestation des députés signé par le Comité de sûreté générale.

10 pluv-29 janv : Dufaÿ et Mills interrogés, arrêtés et conduits à la prison de St-Lazare.

12 pluviôse-31 janv : lettre de Dufaÿ et Mills, arrêtés, à la Convention.

13 pluv-1er fév : les 2 députés libérés sur ordre du Comité de sûreté générale.

15 pluv.-3 fév : les députés reçus à la Convention.

16 pluv-4 fév : Dufaÿ, à la Convention, accuse Galbaud de complot avec les Anglais depuis février 1793.

16 vent-6 mars : le Comité de salut public fait arrêter Brulley et Page, dénoncés par les députés.

19 vent-9 mars : loi arrêtant les colons membres d’assemblées et clubs coloniaux.

12 avril : départ de l’expédition pour les îles du Vent avec le décret d’abolition.

Mars-avril : les Anglais occupent Tobago, la Martinique, Ste-Lucie, la Guadeloupe.

Juin : l’expédition française abolit l’esclavage à la Guadeloupe, Ste-Lucie et en Guyane.


* Publié in L. Jalabert, B. Joly, J. Weber éd., Les élections législatives et sénatoriales outre-mer, Paris, Les Indes savantes, 2010, p. 31-45. Version revue et corrigée par l’auteur, 2018.

[1L’idée de cette rencontre entre les deux Révolutions a été exprimée par C.L.R. James, Les Jacobins noirs. Louverture et la Révolution de Saint-Domingue, (1938, 1980) trad. de l’anglais (1949) Paris Éditions Caribéennes, 1983. Le titre Jacobins noirs est explicite tout au long de l’ouvrage. Cette notion a été reprise par Aimé Césaire, Toussaint Louverture. La Révolution française et le problème colonial, Paris, Présence Africaine, 1961.

[2Voir Yves Bénot, La Révolution française et la fin des colonies, Paris, La Découverte, 1988, chap. 10, Dans le miroir truqué des historiens.

[3Grégoire, Projet de droit des gens présenté à la Convention, Archives Parlementaires, t. 66, 18 juin 1793 ; Robespierre, Projet de Déclaration des droits de l’homme et du citoyen présenté à la Convention, 24 avril 1793, in Œuvres, t. 9, p. 463. L’auteur intègre à la Déclaration des droits une Déclaration du droit des gens, dans les articles 34 à 38.

[4Sur cette question encore trop mal perçue, voir le travail pionnier d’Yvan Debbasch, Couleur et liberté. Le jeu du critère ethnique dans un ordre juridique esclavagiste, 1635-1833, Paris, Dalloz, 1967. F. Gauthier, L’aristocratie de l’épiderme. Le combat de la Société des Citoyens de couleur, 1789-1791, Paris, Éditions du CNRS, 2007, recherche qui présente la situation des colonies françaises en 1789 et la politique coloniale de l’Assemblée constituante, que je reprend dans cet article.

[5Archives Parlementaires, t. 8, 27 juin, 3 et 4 juillet 1789.

[6Les Révolutions de Paris, 25 sept. 1790, article anonyme, cité dans Y. Bénot, La Révolution française et la fin des colonies, op. cit., p. 125.

[7Voir F. Gauthier, Triomphe et mort de la révolution des droits de l’homme, 1789-1795-1802, (1992) Syllepse, 2014, IIIe Partie et « Jeanne Odo ou l’humanité des Africains. Deux portraits, 1791-1794 », Cahiers des Anneaux de la Mémoire, n° 5, Nantes, 2003, p. 65-81.

[8L’article est anonyme, mais Sonthonax a précisé en être l’auteur devant la Commission d’enquête Garran-Coulon en 1795, voir Y. Bénot, op. cit., p. 129.

[9F. Gauthier, Triomphe et mort…op. cit., IIIe Partie, chap. 10, p. 255 et s.

[10Archives Parlementaires, t. 84, 16 pluviôse an II - 4 fév. 1794, Intervention de Dufaÿ à la Convention, p. 277-78.

[11Sur Richebourg, voir F. Gauthier éd., Périssent les colonies plutôt qu’un principe ! Contributions à l’histoire de l’abolition de l’esclavage, 1789-1804, Paris, Société des Etudes Robespierristes, 2002, « Richebourg : comment abolir l’esclavage à Saint-Domingue ? », avec un inédit de ce Richebourg, acteur de la résistance à Galbaud en juin 1793, daté du 26 août 1793, p. 105-112. A part ces éléments mentionnés ici, je ne connais pas même le prénom de Richebourg.

[12Archives Nationales, DXXV44, 420, Lettre de Sonthonax à Polverel, 25 août 1793. Vergniaud dont le nom est cité, était un officier municipal du Cap, voir A. D’Humières, Sonthonax et l’abolition de l’esclavage à Saint-Domingue, 1792-1793, Mémoire de Maîtrise, Université Paris 7, sd F. Gauthier, 2001, p. 117.

[13Cité dans F. Gauthier, Triomphe et mort…, op. cit., IIIe Partie, chap. 9, p. 253, Mémoire de Jacques Garnier, à la Commission Garran-Coulon en 1794. Garnier était commissaire au Tribunal du Cap et témoin des événements. Il quitta Saint-Domingue en octobre 1793 pour le Consulat français de Philadelphie où il fut employé jusqu’en mars 1794, date à laquelle il revint en France. Son Mémoire se trouve aux Archives Nationales, DXXV 82, 804, daté du 7 nov. 1794, 34 p.

[14AN, DXXV 10, 92. Proclamation de Sonthonax, Le Cap, 29 août 1793. Ce texte a été publié de façon anonyme et sans commentaire dans la Revue des Colonies, Paris, 1949, t. 36, p. 24. Ce n’est pas le lieu d’analyser plus avant cette proclamation. Voir sur cet épisode Thomas Madiou, Histoire d’Haïti, (1847) Port-au-Prince, Éditions Deschamps, t. 1, chap. 7 et 8 ; Horace P. Sannon, Histoire de Toussaint Louverture, (1920) Presses Nationales d’Haïti, 2003, t. 1, chap. 9.

[15AN DXXV 5, 53, Lettre de Sonthonax à Polverel, Le Cap, 3 sept. 1793, manuscrite.

[16AN DXXV 10, 93, Proclamation du 12 sept. 1793, affiche imprimée et signée par Sonthonax au nom de la Commission civile. Il est à noter que ces deux élections qui ont suivi la proclamation de la liberté générale n’ont pas retenu l’attention des historiens haïtiens mentionnés ci-dessus, Madiou et Sannon.

[17Loi du 22 août 1792, réédité dans La Révolution française et l’abolition de l’esclavage, Paris, EDHIS, 1968, t. 12, 4. Il s’agit d’un complément à cette loi « qui fixe le nombre des députés à nommer par les colonies pour la Convention nationale ». Sonthonax le fit imprimer au Cap en sept. 1793.

[18Sonthonax, Proclamation du 12 sept. 1793, op. cit.

[19Archives Parlementaires, t. 84, séance de la Convention du 15 pluviôse an II - 3 fév. 1794. Procès-verbal d’élection des députés de Saint-Domingue, p. 265.

[20Voir la lettre de Sonthonax à Genet du 28 sept. 1793, en annexe.

[21Archives Parlementaires, Paris, 1962 t. 84, séance de la Convention du 15 pluviôse an II - 3 fév. 1794, Procès-verbal d’élection des députés de Saint-Domingue, p. 265. Sur les élus voir A. Kuscinski, Dictionnaire des Conventionnels, (1916) Éditions du Vexin Français, 1973, qui n’a de documentation que sur les députés ayant siégé à la Convention : Belley, Mills, Dufaÿ, arrivés en janvier 1794, Boisson, Laforest et Garnot parvinrent en France en juillet 1794. Sur Dufaÿ, Kuscinski indique que les documents qu’il a trouvés : « sont tellement contradictoires qu’il est bien difficile d’y démêler la vérité » et en effet, il semble bien qu’il y ait une confusion entre ce Dufaÿ et un autre Dufay de la Tour, ce qui mériterait une nouvelle recherche.

[22Pour l’arrivée de la députation à Paris, voir F. Gauthier, Triomphe et mort… op. cit., chap.. 13 et 14 et une partie de la correspondance de ces députés : « Inédits de Dufaÿ, Santerre et Léonard Leblois au sujet de l’arrivée de la députation de St-Domingue à Paris, janvier-février 1794 », Annales Historiques de la Révolution Française, 1993, p. 514 ; « Inédits de Belley, Mils et Dufaÿ, députés de St-Domingue, de Roume et du Comité de salut public », ibid., 1995, p. 607 ; « Inédits du Comité de sûreté générale concernant l’arrivée de la députation de St-Domingue à Paris », ibid., 1998, p. 331.

[23Laurent Dubois, A Colony of Citizens. Slave Emancipation during the French Revolution, 1998, trad. en français sous le curieux titre suivant : Les Esclaves de la République, Paris, Calmann-Lévy, 1998, chap. 5, p. 158. L’auteur cite mon article « Le rôle de la députation de Saint-Domingue dans l’abolition de l’esclavage », in Les Abolitions de l’esclavage, 1793-1794-1848, Paris, Presses Univ. De Vincennes/ Unesco, 1995, p. 199-211, dans lequel il a rencontré la citation de Jacques Garnier, p. 203.

[24Ibid., n. 11, p. 232.

[25AN DXXV 6, 59. Papiers officiels de la Commission civile. Ces deux textes sont des copies conformes, signées par le secrétaire de la Commission, Leblanc. L’orthographe des documents a été respectée.

[26Il s’agit de François, le fils du Commissaire civil Etienne Polverel, qui accompagna la Commission civile comme secrétaire de son père. François fut fait prisonnier lors de la bataille contre Galbaud et envoyé aux Etats-Unis par des colons. Libéré, il rentra en France en juin 1794, voir le Mémoire de J. Garnier, op. cit., p. 6.

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